ALIEN COVENANT – ET LE PIRE ARRIVA [CRITIQUE]

Ridley Scott n’en a pas fini avec la saga Alien, la preuve avec Covenant qui, à armes égales avec Prometheus, excelle dans l’art du conservatisme et du bavardage inutile. Une vaste déception qui n’a rien d’étonnant.

Ridley Scott est un génie. Plusieurs décennies après avoir porté à l’écran l’une des pires créatures que le monde du cinéma n’ait jamais connue, voilà qu’il propose l’un des pires films de sa carrière avec le tout frais Alien Covenant. A vrai dire, le réalisateur n’en est pas à son premier coup d’essai dans le registre de l’aberrance, surtout en ce qui concerne l’univers du xénomorphe: Prometheus, sorti en 2012, est l’un des films les plus mal écrit du début du siècle, rien que ça. Dans ce nouvel élan de désespérance, un thème: celui de la création. Comment qualifier un film qui, le temps d’une projection, se veut être le porte-parole de la créativité divine et scientifique alors que lui-même se démène pour offrir une imagerie aussi bavarde que niaise et qui, vous l’aurez compris, ne remplit pas vraiment les critères de ce que nous, spectateurs, attendons du mot créativité ? Alors que le spectre du film original sorti en 1979 plane sur la structure et les personnages de Covenant, le principe de l’adaptation n’est pas à ignorer, au même titre que son non-sens spirituel, parti-pris à travers lequel Ridley Scott expose une fois encore ses limites en termes de mise en scène.

La fascination pour la fascination est une donnée qui parcourt la majorité des films du cinéaste australien, jusqu’à se demander s’il ne propose pas plusieurs autobiographies qui, malgré leur redondance absolue, auraient marqué l’histoire du septième art – pourra-t-il prendre connaissance de ces (nombreux) échecs ? Avec Covenant, cet enjeu redouble en intensité car il est la seule raison pour laquelle le film existe, une raison qui consiste non seulement à ignorer les spécificités du mal que représente le xénomorphe, mais aussi à faire l’idolâtrie très incertaine d’une divinité qui se dévoile petit-à-petit. Jusqu’à faire dans le marchandising le plus malsain en testant les capacités de l’alien comme un produit dérivé tout droit sorti des marionnettistes hollywoodiens, la perspective jusqu’au-boutiste se dévoile dans ces deux constats: faire courir le suspense, et ne jamais rien dévoiler. Le montage du film fait dans l’alternance clipesque, en plus de sa totale incapacité à tenir le film dans les moments qui suggère l’horreur, plutôt que de la faire vivre. Ce film est un récital de tentatives plus vaines les une que les autres, au détriment d’une saga qui, au fond, ne demandait rien de plus.

Inutile de vous dire que la filiation avec Prometheus, malgré son apport malheureux à la saga, est respectée, jusqu’à être, dans une mesure à nuancer, le point fort du film. Cet héritage se révèle comme le fil rouge du film autant d’un point de vue esthétique que scénaristique, ce qui peut constituer des défis typiquement casse-gueules. La photographie plutôt cohérente de Dariusz Wolski est dans la même lignée que le travail accompli dans le premier film, avec un intérêt plus avancé sur le vaisseau dans lequel les personnages voyagent et sur la nature – étonnante d’abord, anecdotique après… Mais voilà, ce travail n’aurait pas été bafoué si, le temps d’un instant, la considération envers les personnages, leurs relations, leurs aventures et leurs morales incohérentes n’avaient pas fait l’objet d’une réédition de ce qui nous a été proposé il y a maintenant cinq ans: c’est-à-dire une incapacité à fournir des parti-pris susceptibles d’atteindre les défis thématiques d’un récit comme tel. L’exemple le plus parfait de ce gribouillage collectif est le personnage interprété par Katherine Waterston, avatar déjà recyclé d’une Ellen Ripley décidément inimitable. Plus loin que ça: des histoires d’amours imposées mais peu croyables, des couples encombrants et, surtout, des dialogues d’une lourdeur insondable.

La filiation avec Alien est également présente : reprise du thème original, structure quasi-similaire, énumération mortifère… Comme dit précédemment, ce spectre, qui n’a de raison que sa circonstance malgré son caractère presque mythique, trouve aucune raison d’être dans Covenant. Oui, l’enjeu est aussi de marquer le coup en changeant de lieux, de personnages et de thématiques, comme ont su le faire les cinéastes qui ont réalisé les trois autres volets de la quadrilogie, en faisant du genre une priorité esthétique. Or, dans le nouveau film de Scott, il n’en est rien. Quand l’inégalité du montage se mêle à une scénario qui déborde, le torrent d’absurdité suit son cours. Quand l’imposition se confond avec la générosité, le film entreprend un champ de ruines dont la valeur se réduit effectivement à une esthétique complètement intoxiqué par le je-m’en-foutisme commercial et racoleur d’un cinéaste dépourvu d’inspirations et perfusé au dollar pour mieux faire marcher une saga qui n’en est plus vraiment une. Le degré zéro de la créativité, c’est Alien Covenant. L’inégalité de la saga faisait sa beauté. L’extravagance sexuelle et monstrueuse du xénomorphe faisait toute sa complexité. Autrement dit, ce travail de création, à défaut d’être bête, aura eu le mérite de faire ce que le cinéma hollywoodiens fait de nos jours, c’est-à-dire rien.

Soudain, Ridley Scott s’est demandé comme faire transparaître l’origine du pire sur grand écran. Il a réussi : il a réalisé Alien Covenant. Aussi désuet que Prometheus, ce nouveau chapitre de la saga Alien se désintéresse totalement de ce qui rythme la saga depuis maintenant plusieurs décennies. Ce choix donne un résultat plus qu’inégal, qui gangrène ce pourquoi le film existe, se tournant finalement vers le choix du toujours plus dans une conscience du toujours rien.

PS : CETTE CRITIQUE N’EST PAS LE REFLET D’UN AVIS MAJORITAIRE AU SEIN DE LA RÉDACTION