ALLIÉS – CŒURS EN GUERRE [CRITIQUE]

L’auteur de Forrest Gump fait son retour dans nos salles avec une romance au cœur de la Seconde Guerre mondiale. Avec son nouveau film, Zemeckis affirme qu’il est un cinéaste affirmé, mais pas étranger à des défauts qui le poursuivent. 

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Après le succès incontesté de Seul au monde en 2000, Robert Zemeckis n’a pas hésité à explorer d’autres environs cinématographiques. Ses multiples tentatives dans le cinéma d’animation (Le Pôle Express, Le Drôle de Noël de Scrooge) et son défi (réussi) avec le tout récent The Walk prouvent son éclectisme. Avec Allied, on aurait tort de voir une cassure dans cette démarche. En parallèle de cette première plongée dans la Seconde Guerre mondiale, le nouveau film de Zemeckis offre un semblant de buddy movie (espionnage, infiltration et gunfights) et, en prolongement, une romance d’une intelligence remarquable et constamment  guidée par une tension révélatrice des dangers que parcourent les personnages. Alliés pose alors cette question : amour et guerre peuvent-ils s’allier ?  A cela, l’esthétique arrive à distiller plusieurs réponses aussi recevables qu’étranges.

Au-delà de savoir comment recevoir ce que Zemeckis veut dire, les moyens déployés méritent l’attention. Le metteur en scène de Retour vers le futur filme ses acteurs avec une beauté foudroyante, aidé certes par les prestations tout aussi remarquables de Brad Pitt et Marion Cotillard. Alors que le sujet du film s’interroge sur la façon dont des êtres humains soumis à une profession cosmopolite s’adaptent progressivement à une stabilité sociale et familiale, la mise en scène millimétrée se combine intelligemment avec le jeu des acteurs pour mieux construire l’univers auquel se soumet le film. Ce n’est plus vraiment un duo d’acteurs auquel on a affaire, mais à un véritable souci cinématographique due à l’association souvent indissociable chez Zemeckis des acteurs avec leurs sujets d’interprétation : de quoi faciliter l’empathie. La cinématographie présentée s’impose effectivement par un décor cadencé, une bande originale efficace et un respect certain à l’atmosphère paranoïaque propre aux meilleurs films d’espionnage. Alliés est une œuvre  qui étonne par sa cohésion, facilement interprétable et, parfois, tape à l’œil.

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Les personnages courent plusieurs dangers symboles de leur course contre le réel. Alors que le personnage de Marion Cotillard, charismatique à souhait, génère un statu quo émotionnel dérangeant, celui de Brad Pitt est victime de cette frontière séparant le mensonge et la vérité. Dans l’effective volonté d’absorber la relation entre les deux personnages dans une dynamique tendue mais polie, le film manque cruellement de mouvement et créé par la même occasion une redondance inexploitable pour le scénario. Ce dernier joue trop la carte d’un immobilisme qui lui fait défaut : si l’un ne fait rien, alors l’autre agira constamment dans une discrétion pour mieux faire paraître le silence. Par conséquent, le rythme du film en prend pour son grade : en plus de la redondance, c’est inégal. Les absences passagères du film sont les reflets des défauts qui se répètent dans la filmographie récente du réalisateur : l’épopée passagère du pilote d’avion dans Flight et l’aspect bien trop biopic de l’équilibriste fou dans The Walk. L’histoire des personnages trouve des enjeux esthétiques et émotionnels qui forgent une cohérence inébranlable, mais l’écriture occasionne beaucoup trop de gêne pour fournir une véritable implication.

Victime de son aspect un peu trop lisse, Alliés risque d’être sous-exploité et peu reconnu dans la carrière du réalisateur. Et pourtant, Zemeckis cerne intelligemment les enjeux de son récit grâce au croisement qui s’opère entre la dynamique du film d’espionnage et la pureté des romances d’époque. Ce n’est pas à jeter, mais pas forcément à retenir.