FAST & FURIOUS 8 – LA FAMILLE D’ABORD [CRITIQUE]

Désormais incontournable dans le cinéma d’action, la saga Fast & Furious revient avec un huitième volet placé sous le signe de la famille: un opéra de second degré et d’inventivité. 

Même après la débâcle de mise en scène offerte par Fast & Furious 7 et James Wan, il est assez facile de deviner la stratégie adoptée par la franchise dans le genre du film d’action: faire de la voiture une vraie arme de destruction massive, qui plus est conduite par des personnages aux caractères bien trempés. Surfant donc sur cette vague stylistique au détriment du style tuning avancé par les trois premiers volets de la saga, Fast & Furious regroupe les poids lourds du cinéma d’action actuel, au même titre que les Expendables: Vin Diesel, mais aussi Jason Statham et Dwayne Johnson. En recrutant la charmante Charlize Theron dans le rôle d’une diva obsédée par la cyberattaque et F. Gary Gray (N.W.A : Straight Outta Compton) derrière la caméra, la bande de potes – cette fameuse famille – de Vin Diesel se retrouve avec une assurance et  un charisme dans l’un des spectacles pyrotechniques les plus réussis de ce début d’année et de la saga toute entière.

Autant de noms pour autant d’actions, voilà la promesse du huitième épisode des aventures d’un Dominic Toretto qui renoue avec son image de hors-la-loi pour assouvir ses besoins – mais lesquels ? Sans dévoiler quelconque élément de l’intrigue, tout le film parcourt et questionne la frontière entre le bien et le mal, certes de manière peu originale et déjà vue dans les films partageant la même trempe que celui-ci, mais avec un souci d’efficacité assez obsessionnel de la part du metteur en scène. De ce point de vue, le métrage – The Fate and the Furious en version originale – n’a rien à envier à une autre saga, c’est-à-dire Mission : Impossible, pour laquelle les questions de la cybersurveillance et du terrorisme intelligent constituent des pierres angulaires du scénario et de la mise en scène – le montage est le principal moteur de ce rapprochement. Malgré un scénario qui effectue des raccourcis quelque peu gênants, le film de F. Gary Gray focalise son film sur l’étonnante gestion émotionnelle de ses personnages face à la trame du récit – très loin de la surenchère permanente de James Wan. On retrouve donc un Vin Diesel étonnant dans un rôle qui le poursuit depuis maintenant seize ans, et un retour au source effectif au thème de la famille.

L’ombre du décès de Paul Walker pesait déjà beaucoup sur, malgré tout, les paris esthétiques du septième épisode. Avec véracité, Fast & Furious 8 retrouve la fureur des moteurs, le crissement des pneus et aiguise son humour au même titre que sa pyrotechnie. De la même manière que son biopic sur le groupe de gangsta rap N.W.A, le réalisateur propose l’excès tout en misant sur une certaine harmonie non seulement entre les personnages, mais entre l’identité de la saga avec son potentiel créatif. Cet objectif résonne surtout au cours de scènes très longues, qui vont d’un point A à un point B avec une facilité déconcertante, sans se soucier constamment des répercussions de chaque temps fort de la scène – ce qui rendrait le tout assez désuet. Dans ce huitième épisode, le spectacle reste avant tout un spectacle, et non une parade de muscles ou d’ego-trips survitaminés. De ce point de vue, c’est la scène d’ouverture qui rassure son spectateur dans le voyage qui lui sera proposé : faire d’une course l’objet des passions esthétiques.

Mais nous le savons tous, Fast & Furious ne serait plus grand chose sans son humour quelque peu dévastateur et sa nouvelle proximité avec la politique internationale. Dans cette perspective, le film fait le pari du second degré, ce qui le rend jeune – idée constituante du personnage interprété par Scott Eastwood – et drôle, à l’image de cette relation géniale entre les personnages interprétés par Dwayne Johnson et Jason Statham. S’il avait pu se priver de ce regard moins rassembleur suffisamment remis en question par le scénario du film, F. Gary Gray réussit là ou James Wan avait échoué : poser une base légitime dans la bonne constitution d’une équipe – chacun sa place, avec la possibilité d’interagir avec « style ». Il y a comme une stabilité assez jouissive, et le paradoxe avec le scénario donne au film une valeur héroïque encore jamais vue dans la saga. Loin de faire le jeu du cinéma d’action, la saga trouve avec ce huitième volet une racine relative au déploiement de son esthétique: loin de la surenchère, le pari de l’héritage semble parcourir le film avec insistance.

La plus grande fierté du film, c’est ne pas faire tomber la franchise dans un oubli provoqué par sa redondance et son manque criant de souffle. Au contraire, Fast & Furious 8 répond à des défis qui correspondent parfaitement à l’image de la saga, ce qui le rend efficace et, parfois, jouissif. Loin de faire de ses personnages des pions d’un jeu d’échec bourré d’explosions, l’équilibre, fragiles certes, de la saga donne parfois de bonnes raisons pour se déplacer en salles: ce huitième épisode en est une.