KENDRICK LAMAR – DAMN.: UN CLASSIQUE INSTANTANÉ

La musique de Kendrick Lamar continue de nous questionner à travers ses compositions riches, complexes et qui évoluent au fil des projets… Avec DAMN. le rappeur revient en force en nous délivrant une musique plus humaine que jamais!

Depuis sa popularisation en 2010 et sa première signature en major avec le classique good kid, m.A.A.d city, chaque nouveau projet de Kendrick Lamar est un événement. À l’époque, le jeune MC de Compton talonne ses aînés Snoop Dogg, The Game ou encore Busta Rhymes à travers des collaborations remarquées. Son deuxième album studio impose son style et le place en digne héritier du rap West Coast. On se souvient encore de la folie procurée par le banger Compton en featuring avec le parrain Dr Dre.

Avec To Pimp a Butterfly, le rappeur creuse davantage l’écart avec un contenu engagé et exigent, puisant dans une musique aux multiples influences. Des sonorités que l’on retrouve dans la compilation Untitled Unmastered. Un projet sorti l’année suivante et recensant des morceaux avortés lors du mastering de son troisième album studio. Un autre ovni musical dont certains tracks, comme la numéro 5 (big up Massive Attack) sonnent carrément trip-hop. Ce n’est plus du rap, c’est du Kendrick Lamar. Un objet à lui, que personne ne peut se réapproprier.

Entre temps, Duckworth a enchaîné les collaborations en lâchant des couplets enflammés, comme sur le dernier skeud de Dr Dre, le morceau Holy Key de Dj Khaled ou encore sur les très bons Goosebumps de Travis Scott, Sidewalks de The Weeknd et God Is Fair, Sexy Nasty de Mac Miller.

Le 23 mars dernier, sort l’exclu’ The Heart Part 4. L’annonce d’un nouvel album. Une semaine pile après sa publication, Kendrick balance le clip d’HUMBLE. L’annonce devient officielle. S’en suivra la publication de la cover, brute et minimale. Le rappeur semble possédé. Et à l’écoute de ces quatorze nouveaux titres, difficile de ne pas rentrer, nous aussi, dans un état de possession jouissive.

N’y allons pas par quatre chemins, DAMN. est un classique instantané! Le premier single n’est qu’un très fade reflet du contenu de l’album (malgré son magnifique clip). Il est même impossible d’en proposer une lecture morceau par morceau, tant l’ensemble est d’une cohérence folle entre les thèmes abordés, les flows utilisés et les instrus’ sélectionnées. Les lyrics de Kendrick Lamar sont toutefois dans la continuité de ceux développés dans les projets précédents, entre inégalité raciale, discrimination, introspection et egotrip christique. Cependant, le flow varie, le style du storytelling se développe, ce qui prouve que le MC est désormais maître de son art.

Quatorze sons, tous marqués par un mot unique en guise de titre. Beaucoup d’entre eux font référence aux sept péchés capitaux, d’où la dominance de la thématique religieuse dans ce qu’elle a de plus dark, positive ou même valorisante. Pour habiller la tracklist, K-Dot s’entoure à nouveau de Sounwave, Top Dawg, Terrace Martin ou encore Dj Dahi, confie les deux singles à Mike Will Made It et invite des pointures comme James Blake, The Alchemist ou 9th Wonder. Beaucoup de couleurs différentes, beaucoup de samples, mais qui créent au final une homogénéité prégnante. Chapeau bas pour la direction artistique.

Bien entendu, même si tout l’album se tient sur la longueur, chose rare de nos jours, nous avons nos morceaux favoris. On commence par ELEMENT. et la prod’ de James Blake, avec son découpage piano entêtant donnant de la hauteur au texte egotrip de Kendrick. LOYALTY. avec Rihanna est une belle surprise, d’autant plus que c’est la première collab’ entre ces deux poids lourds de la culture hip-hop. Une excellente instru’ pimpé à la talk-box pour lui donner une dimension rétro’ appréciable. Juste derrière PRIDE., notre premier coup de cœur! Magnifique refrain en compagnie d’Anna Wise sur la belle musique de Steve Lacy. LOST. est une expérience musicale unique, avec sa construction en reverse entrecoupée de sessions teintées boom-bap. Une instrumentale qui colle parfaitement aux lyrics qui met en scène sa vie de rappeur entre plaisirs simples et surenchère. XXX. est une véritable claque! Trois changements d’instrus’, trois changements de flow, trois ambiances. Le final piano accompagné de la voix de Bono est de toute beauté… On en a encore des frissons! La longue balade signée The Alchemist sur FEAR. est une démonstration de force du rappeur… Qu’il prolongera sur DUCKWORTH., morceau de poids en son nom pour conclure l’album.

Moins exigent que To Pimp a Butterfly (qui renferme de multiples références musicales), DAMN. se rapproche davantage de good kid, m.A.A.d city dans l’ambiance musicale. Il n’en est cependant pas moins complexe. Il faut, comme tout projet du rappeur, plusieurs écoutes pour en déceler toutes les subtilités d’écritures, la richesse des prods’ choisies et la variante des flows utilisés. C’est ce qui rend la musique de Kendrick Lamar unique, dans une catégorie qui se standardise pourtant de plus en plus… Comme pour chaque prestation live, le MC cultive son image d’artiste en proposant de véritables expériences à ses auditeurs. Et le plus fort, c’est qu’il arrive à cultiver exigence et succès!

God bless you!