LE DERNIER BOUT DE 5 POINTZ A ÉTÉ DÉMOLI

Pour ceux qui ne connaitraient pas 5 Pointz, il s’agit, ou plutôt il s’agissait, du Vatican du graffiti, un morceau d’histoire pour New York et le street-art. Il y a bientôt deux semaines, le dernier bout qu’il en restait fut démoli.

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Avant d’aborder la destruction de « la Mecque du graffiti » comme dirait Wikipedia, un petit retour en arrière pour ceux qui n’en ont jamais entendu parlé s’impose.

Un espace d’expositions, un lieu de tournage ou de shooting, de festivités et bien entendu de street-art. 5 Pointz est un vrai musée en plein air qui s’élève au milieu du Queens, à New York. De l’autre côté de la rue, le MoMA PS1 ainsi qu’un dinner, tout ce qu’il y a de plus ricain, appelé le Court Square Dinner où il fait bon s’enfiler des « Twin Burgers », et enfin la ligne 7 du métro qui survole le coin et offre une vue sur le bâtiment recouvert de graffitis (autant à l’extérieur qu’à l’intérieur) et pour ceux qui voudraient voir de plus haut à quoi cela ressemble, il suffit de s’aventurer sur le toit de ce « Vatican » pour avoir droit à une incroyable vue de Manhattan et ses gratte-ciels à l’horizon. Tel était le décor que l’on pouvait apercevoir sur la Jackson Avenue, car aujourd’hui il n’en est plus rien. Alors oui, le métro y passe toujours et le dinner a encore des burgers à la carte, mais ce qui faisait vivre ce bout de quartier de Long Island (en plus de lui donner de la couleur), c’était 5 Pointz et il n’en reste désormais que des débris.

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La lutte contre les Wolkoff

Tout a commencé en 2013, lorsque Jerry Wolkoff et son fils David, qui faisaient louer le lieu aux artistes-propriétaires depuis les années 90, décidèrent d’exploiter le site pour y construire deux buildings qui accueilleraient des résidences de luxe. Mais la renommée de 5 Pointz acquise au fil des années, son importance culturelle toujours grandissante et les fresques qui désormais recouvraient le bâtiment de partout permirent aux jeunes artistes de faire recours pour préserver, ce qui était maintenant, « leur propriété ».

S’ensuivirent donc plusieurs mois de bataille acharnée contre Wolkoff et sa team de billionaires. Malheureusement, le plus fort riche finit toujours par gagner. Ainsi, toujours en 2013, le mois d’octobre marque la victoire des Wolkoff. Le conseil municipal de la ville de New York a autorisé le plan de construction des futures résidences -on ne va pas se mentir- de bourges, dont les frais comptabiliseront un total de 400 millions de dollars.

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Mais les personnes attachées à 5 Pointz n’avaient pas dit leur dernier mot. Armés de leurs bonbonnes et du slogan « Save 5 Pointz », propriétaires, artistes, volontaires et toute personne à qui la cause tenait à coeur planifièrent différents événements et plusieurs pétitions dans le but de stopper la destruction du lieu. Leur combat fut livré avec hargne et honneur, et provoqua beaucoup de bruit dans les médias américains et sur la toile, ce qui peut-être mit les Wolkoff dans une position inconfortable, au point de les pousser à nous faire comprendre, à tous, qui était « le patron », à l’aide d’un geste que beaucoup définiront comme « criminel ».

L’opération commando « Whitewashing »

Dans la nuit du 18 au 19 novembre 2013, Wolkoff (comprenez le papa), engagea en secret des ouvriers pour recouvrir un maximum le bâtiment à l’aide de peinture blanche, aucune façade n’a été epargnée. La police est également contactée pour qu’il n’y ait pas de débordements, les personnes présentes à ce moment-là demeurent alors impuissantes face à l’acte de vandalisme commis par Wolkoff. En plus d’avoir regagné son territoire, ce dernier remue donc le couteau dans la plaie en détruisant plusieurs années d’histoire et de travail. Wolkoff avait gagné. Mais il n’était aucunement nécessaire de s’attaquer à son propre bâtiment de la sorte, en s’en prenant uniquement aux graffitis qui plus est. Le réel but était simplement celui de refroidir les ardeurs de ceux qui continuaient à s’opposer au projet de démolition par tous les moyens. Au petit matin, la nouvelle s’était répandue, curieux, aficionados, amis et artistes arpentent alors le lieu en pleurs et en colère. 5 Pointz perd son combat.

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Un dernier morceau de 5 Pointz qui luttait

C’est finalement peu avant le mois de février de cette année 2015, que l’histoire de 5 Pointz prend définitivement fin. Le peu de vestiges encore intacts ont été réduits en bouillie. Wolkoff a déclaré qu’il n’y aura pas de constructions apparentes avant six mois. Le sol doit être creusé pour pouvoir construire les fondations et plusieurs déchets doivent encore être évacués. Outre le fait de dire « It is like an old friend that has gone » (« C’est comme perdre un vieil ami ») suite à la démolition complète du bâtiment, pour essayer de positiver son image de « grand méchant », Wolkoff a également communiqué qu’environ 1115m2 seront consacrés à des studios artistiques. Pas sûr que ce soit suffisant pour oublier 5 Pointz et sa démolition précédée par le whitewashing surprise. Les photos prises par DNAinfo en début de semaine illustrent le résultat de cette défaite.

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Ce que l’on peut faire aujourd’hui? Pas grand-chose. Excepté signer cette pétition pour faire en sorte que Wolkoff et ses associés ne puissent pas utiliser le nom de « 5 Pointz » à des fins marketing dans la future vente de leurs résidences.

Une timelapse réalisée par AnimalNewYork en début d’année montre l’avancement de la démolition.