[ANNECY 2018] GATTA CENERENTOLA | CENDRILLON À NAPLES

Ouverture de compétition timide avec ce film d’animation italien: entre une Cendrillon badass et un portrait tout en anticipation de la ville de Naples, un mélange de registres trop codifié, mais sauvé par le contemporain. 

La traduction française du film italien qui a ouvert notre escapade filmique parmi les longs-métrages en compétition de cette 42ème édition du festival d’animation d’Annecy annonce la couleur: La Nouvelle Cendrillon. Il est effectivement question de réécrire (au futur) ce conte si contemporain – car libération de la femme, entre autres – sans pour autant en ignorer quelques points de passages essentiels : la jeune fille orpheline ménagère exploitée par ses sœurs et la maîtresse de maison, l’apport romantique du prince charmant, la fameuse pantoufle de verre et le château (ici remplacé par un bateau de croisière). Le rôle de Cendrillon est ici campé par Mia, une junkie muette de 18 ans, le prince charmant par un gentil flic ex-garde du corps du défunt papa de cette dernière et la maîtresse de maison par une fausse Sharon Stone, belle-mère de Mia, dont le mari est le « Roi » de Naples – un brun provocateur et mégalo, il est le successeur et surtout l’assassin du père de Mia qui était une sorte de Tony Stark car pionner dans la diffusion intelligente sous forme d’hologramme des souvenirs de chacun.e. Après ce coup d’état terrible, Naples et les personnages tombent dans une forme d’oubli d’eux-mêmes jusqu’à ce que nos protagonistes, après une prise de conscience mutuelle du déni de réalité auquel ils/elles sont soumis.es, décident de prendre les armes, littéralement, pour faire tomber le pouvoir en place.

Femmes et hologrammes

Dans ce cadre morne quoique paradoxal puisque l’animation du film cherche constamment à opposer cette déprime napolitaine – en référence à la crise de « pollution mafieuse » que subit actuellement la ville – avec la mégalomanie multicolore de son chef et le soulèvement final, La Nouvelle Cendrillon propose un mélange de registres qui toutefois ne dépasse pas son propre cadre de représentation. Très influencée par les films de Tarantino – les personnages principaux s’interposent constamment par l’usage du montage parallèle jusqu’à l’aboutissement d’une certaine violence –, la rythmique du film repose toutefois sur un scénario surfait, prévisible, enchaînant les clins d’œil sans le moindre recul. Le film se veut assez inégal et contradictoire notamment dans la proposition très (trop ?) graphique des hologrammes qui, même s’ils inondent parfois les dessins et contrebalancent les effets de relief en se mêlant à la 2D de base, sont sur le plan symbolique d’une vanité tout à fait exemplaire. Quid des souvenirs qu’ils sont censés retransmettre et la possibilité de confronter deux types de réalité (la visuelle et la virtuelle) ? On pensait au mélange Tarantino/Blade Runner, mais faut croire que le film est trop faible pour se prétendre digne de telles références.

Reste toutefois une compréhension à signaler, et plutôt rafraîchissante, de toute la contemporanéité que le conte d’origine véhicule. D’abord dans l’image de la femme, symbolisée ici par Mia et sa belle-mère. Mia vit dans le mutisme le plus total, à la fois par la parole mais aussi par sa posture d’être humain: elle vit comme un fantôme (comme un hologramme, dans le souvenir de son enfance ?). Sa belle-mère, elle, a beau donné une image d’elle-même vulgairement sexy et intelligente, elle est tout aussi attachée par son passé et son mari décédé – elle était aussi la femme donc du roi assassiné. Les deux femmes trouveront la voie de la révolte : par les armes, oui, mais aussi grâce à leurs corps qui, grâce aux robes qu’elles portent pendant la longue scène finale, sculptent littéralement leur tempérament. Un regain sexy à la violence environnante. Un parallélisme saisissant synonyme de trouvailles visuelles et symboliques réjouissantes – et c’est aussi pour ça qu’on pense à Tarantino, évidemment.

Pas aidé par un format trop calibré et, du coup, une animation pas toujours bien exploitée, La Nouvelle Cendrillon se veut tape à l’oeil. Pas forcément le premier coup de coeur animé que l’on recherche, si ce n’est une redirection intéressante du conte d’origine et un traitement habile des thèmes contemporains – preuve que le Festival d’Annecy nous animera autant par les images que les actualités qu’elles véhiculent ?