[ANNECY 2018] PARVANA | DE LA MISÈRE À L’ENCHANTEMENT

Nouvelle bonne bouffée d’émotions à Annecy avec l’un des favoris de la compétition: Parvana, une enfance en Afghanistan est un conte social et engagé qui nous a littéralement emportés. 

Logiquement considéré comme l’un des favoris de la compétition, car nommé au Golden Globe et à l’Oscar du meilleur film d’animation, Parvana nous a également pris aux tripes. Le film dresse le portrait de l’Afghanistan actuelle: ravagée par la guerre, occupée par les Talibans et peuplée de femmes contraintes d’être accompagnées obligatoirement par un homme dans les rues pour pouvoir vivre dignement. C’est alors que le destin de Parvana se dessine : après la capture injustifiée de son père par le régime taliban, la petite fille ne peut plus pourvoir pour sa famille. La solution est finalement de se métamorphoser en jeune homme, et ça marche, mais Parvana a pour autre ambition de faire échapper son père de la prison où il a été envoyé. Si le film se veut engagé et social, il n’en demeure pas moins créatif grâce au motif du conte que l’héroïne raconte à son petit frère et une amie qui, comme elle, se prend pour un garçon pour survivre. Ou comment tromper le traumatisme de la société pour mieux la réinventer. Un véritable enchantement qui convertit son approche sociale en pure émotion.

Conter le réel

La misère sociale et la terrible situation des femmes que le film donne en images sont toujours vouées à être dépassées par les rôles de chaque personnage. Parvana en est bien sûr l’illustration la plus émouvante – elle agit telle une héroïne –, mais ce sont aussi sa famille, les personnages qu’elles rencontrent et sa nouvelle amie, elle aussi infiltrée, qui participent à l’interventionnisme général du film : on passe facilement du rire aux larmes, et l’œuvre agit comme une forme de concession tout en finesse non seulement de l’Afghanistan contemporaine, mais aussi du désir de liberté et de créativité. Ainsi le rapport au conte trouve une aura particulière car elle permet une évasion. L’histoire que Parvana raconte à son petit frère, celle d’un jeune homme cherchant à récupérer les réserves alimentaires de son village et volées par un éléphant monstrueux, se transpose à sa réalité. En plus de ce dépassement dont nous parlons, c’est surtout ce parallélisme et cet aspect double qui permettent au film de gagner en ampleur – d’autant plus que Parvana conte cette histoire pour elle-même dans les instants décisifs, et que les contes sont animés autrement que l’intrigue générale.

Puisque les motifs n’arrivent jamais seuls, il est étonnant de constater que ce début de festival tourne autour de deux thématiques : le paternalisme et le conte. Dans La Nouvelle Cendrillon comme dans Tito et les oiseaux, le spectre du père qui agit comme la véritable motivation du personnage principal dessine tout ce qu’il y a de plus mimétique dans le rapport entre l’enfant et son père. Le premier est toujours à la recherche du second, et le père sera toujours l’aboutissement de l’apprentissage de l’enfant, cette même initiation que le conte (et ses particularités contemporaines) magnifie par le fantasme et la découverte du réel qu’il laisse entendre. Dans le cas de Parvana, l’Afghanistan parvient à sortir littéralement du réel par cette forme d’invocation du conte et par la quête parallèle du paternel en mesure de transmettre le savoir et l’expérience de la vie en communauté, sans manipuler les différences de chacun – le papa de Parvana est également professeur.

Si nous pouvons également discuter de sa violence un peu bancale – scènes de passages à tabac, notamment –, Parvana parvient aussi bien à raconter la réalité de l’Afghanistan d’aujourd’hui qu’à dessiner les contours d’un certain dépassement d’elle-même. Finalement plein d’espoir et assez poétique dans sa capacité à initier son ancrage social aux invocations de son personnage principal, le film ne tombe jamais dans le pathos et s’avère d’une redoutable efficacité sur le plan social, créatif et affectif.