On comptait sur la posture documentaire de Wall pour nous surprendre. Hélas, la consternation l’a emporté: un ratage total confondant vulgarisation et condescendance qu’on aurait évité volontiers.
Premier fait étonnant : Wall est finalement plus qu’un film d’animation, car il navigue entre l’esthétique digne d’un jeu vidéo et la structure d’un documentaire d’investigation (voix off, interviews, exposition des faits, recommencer). Son imagerie vidéoludique, dès qu’elle se projette sur la toile blanche, donne l’impression qu’elle est d’abord passée entre les mains d’un éditeur, que ce dernier l’a jetée à la poubelle – probablement parce que l’idée prend pas, et on le comprendrait presque – et que la durée séparant cette mise en demeure à la récupération de Cam Christiansen (le réalisateur) a suffi pour que le concept s’effondre, vieillisse et soit totalement déconnecté. Récupération placée donc sous le signe du documentaire qu’un mec comme Bernard Henry-Lévy n’aurait pas renié tant le résultat final de ce pseudo-concept, Wall donc, relève de l’incompréhension et du gag créatif.
« Comment en est-on arrivé là ? », s’interroge le film sur les raisons de la construction du mur séparant Israël des territoires revendiquées par la Palestine. D’une condescendance rarement aussi malaisante vis-à-vis des tensions israélo-palestiniennes qui secoue depuis plusieurs décennies la région du Moyen-Orient, on se demande également comment un tel torchon a pu atterrir dans cette compétition elle-même sauvée des états d’âmes de donneurs de leçon. Détestable dans la mise en abime des tensions des deux peuples à travers le mur séparant Israël de la Cisjordanie – construit par le premier dans « l’ambition » de contrer les terroristes palestiniens et symboliquement appelé « Le Mur de la Honte » par le peuple israélien –, Wall n’apporte aucun recul sur la situation, comme si l’on assistait à une entreprise de vulgarisation complètement informe : succession de jugements et de réactions au détriment de la réflexion, autocritique intéressante mais vaniteuse de l’auteur social et ses idées qui reposent sur une philosophe de comptoir (la pensée est contagieuse), noir et blanc racoleur et récit historique ignorant, lâche et sans relief.
Loin dans l’idée de montrer la violence, le film la suggère par une succession de dialogues et de situations plus bouffonnes les unes que les autres, comme dans ce passage où le narrateur, étonné de voir un portrait de Saddam Hussein dans un bar cisjordanien, s’emporte comme lorsqu’un gosse s’acharne sur son jouet parce qu’on le lui prive. Le film traite le sujet avec un recul qui sur le papier relève de l’investigation journalistique, mais qui sur le fond génère une énorme impression de déni non seulement sur le plan créatif (esthétique d’une démo de jeu vidéo), mais aussi sur le plan éthique : échapper à la réalité, mais la juger quand même. Il n’y plus qu’à se laisser aller, suivre les pérégrinations de cet apprenti-philosophe dont on a pas forcément envie d’apprendre quoi que soit et, pourquoi pas, louer les dernières secondes qui, ça y est, prennent le parti-pris de l’utopie en déchainant les couleurs et les imageries.
C’est donc sous le signe de la consternation que s’est produit notre visionnage de Wall. Si l’approche du genre documentaire restera unique sur ce qu’on a vu à ce stade de la compétition, son rendement laisse à désirer. En misant tout sur les symboles et le grossissement du trait, Cam Christiansen semble accompli le mélange, si savant soit-il, combinant vulgarisation et condescendance. Encore faut-il que ce soit recevable et digne du sujet traité.