BABY DRIVER – ROCK’N ROULE [CRITIQUE]

Avec Baby Driver, Edgar Wright déroule son art pop-intense avec des faux airs de comédie musicale. Un film fougueux qui montre ses limites mais qui, à coup sûr, marquera l’été.

Très attendu depuis sa récente éviction du poste de réalisateur de Ant-Man, mais aussi et surtout depuis le succès (discutable) de la trilogie Cornetto, Edgar Wright n’est pas prêt à ronger son frein, c’est le moins que l’on puisse dire. Avec Baby Driver, l’excroissance du montage et sa capacité à reproduire de simples notes de musique atteignent un niveau qui ne manquera pas d’amuser la galerie – rejoignant par ailleurs l’aspect ultra-chorégraphique des films Marvel. Sans nul doute que le film donnera l’impression d’être un indispensable au regard de son abracadabrantesque portée cinématographique, mais sa déclinaison quelque peu mégalo fait le constat d’un diagnostic sévère et inachevée sur la destinée du héros – symbole certainement voulu mais dont la gravité peine à jaillir.

Outre cette barrière qu’Edgar Wright s’impose tout seul – comme un débutant, un bébé -, l’harmonie du film repose essentiellement sur la communication entre la musique et le geste cinématographique. Parsemé d’un montage qui n’a rien d’épileptique et dont la fluidité est à saluer, Baby Driver embrasse les codes de la comédie musicale avec un rendu vénère qui, effectivement, ferait presque l’effet d’une parodie. Consciente de sa prestance digne d’un GTA like – ce qui constitue une avancée majeure dans la représentation du jeu vidéo au cinéma -, la cinématographie présente un panel de situations qui se poursuivent entre elles, jusqu’à provoquer sa propre parodie : la scène de la course-poursuite à pied, jouissive.

L’effet « divine comédie » de Drive, au contraire justement de cet aspect parodique, ne représente pas une dimension supplémentaire du film : Edgar Wright a les mains sur le guidon et fonce tête baissée ; mais le volant a quelque peu tendance à lui échapper. Le gros problème du film, finalement, se sont ses personnages. Chacun présente un background qui fait tache tant le rythme du film fait communion avec les faits et gestes des personnages. Evidemment, notre cher et tendre Baby fait l’objet d’un prolongement de cette démarche sans pour autant se paraître indispensable. Sa maman et sa supposée réincarnation – se petite amie -, c’est l’incarnation pure et dure de l’économie dramatique qui divague dans une sorte de trip familial bon marché qui excelle dans la superposition de bons sentiments.

La seule altérité qui vaut le coup d’œil, c’est cette collision entre les deux facettes du héros. Seulement, la pauvreté des dialogues et des mouvements de caméras lors des moments de pause sème non pas un regain formel, mais une reproduction bancale de la psychologie du héros. Une fois la question du handicap totalement ignorée – et comment -, Baby Driver donne la sensation d’un film fourre-tout qui perd ses repères et prolonge son imagerie avec des motivations qui n’ont pas de quoi jalouser Scorsese et Tarantino. C’est le grand paradoxe du film : produire l’intensité mais la décliner par joyeusetés complètement éphémères. De son caractère pop et ludique, seul l’utilisation des couleurs et la constitution de la playlist constitue des repères majeurs, mais ça ne suffit pas. Même Kevin Spacey et Jamie Foxx, dans des rôles là aussi quasi-parodiques, ne savent pas trop ce qu’ils font là.

Baby Driver est loin d’être une déception. C’est un film ludique et explosif qui interroge le rapport entre la musique et la mise en scène – seulement, doit-on réellement faire la liste des cinéastes qui y ont déjà réfléchi, Tarantino et Kubrick en tête ? Loin de l’idée selon laquelle le métrage se répète et fait répéter ce qui a déjà été dit, Edgar Wright construit une routine, mais expose ses propres limites – ce qui est rarement un signe de bonne santé. Une prolongation du style du metteur en scène, certes, mais clairement une confirmation du boucan cinématographiquement qui en résulte.

CETTE CRITIQUE NE REFLÈTE PAS L’AVIS DE LA RÉDACTION