Boiler Room X Taichi Kimura: La jeunesse sombre de Tokyo

Tokyo, capitale du pays du Soleil Levant. Lorsque l’on évoque cette ville en Occident, elle est le stéréotype de l’univers manga, geek et technologique. Une image que le réalisateur Taichi Kimura associé à Boiler Room vient briser.

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Célèbre pour son travail vidéo avec Chase & Status ou plus récemment le clip de GRADES, le talentueux réalisateur Taichi Kimura en association avec le fameux projet londonien Boiler Room vient poser son regard sur la jeunesse tokyoïte, sans tabou ni censure. Nous ouvrant ainsi une fenêtre sur la face cachée et sombre de Tokyo. Intitulé LOST YOUTH, il nous livre un court-métrage visuellement magnifique et maîtrisé que l’on vous invite à découvrir tout de suite ci-dessous.

Kimura illustre des scènes inspirées d’histoires vraies dans ce film aux allures expérimentales qui met en lumière un univers peu familier à l’image que l’on se fait habituellement de Tokyo. Une image contraire à celle exhibée à l’étranger, le film met en avant la capitale comme jamais vous ne la verrez dans les médias japonais où la censure fait toujours fort pour des raisons politiques, en vue d’éviter une quelconque contreverse.

« J’ai voulu démontrer pourquoi les réalisateurs japonais ne doivent pas être effrayés de montrer la vérité, leur créativité étant limitée. J’ai aussi voulu changer la vision occidentale de Tokyo en montrant le vrai visage de cette ville. » explique-t-il à Boiler Room.

Il ajoute auprès de Higher-Frequency:

« Ces derniers temps, de nombreux artistes s’intéressent à la culture unique de Tokyo et cela influence clairement leur créativité. Par contre, les lieux utilisés et les concepts commencent gentiment à se répéter, l’image de Tokyo vue par les étrangers reste très classique: les mangas, la technologie et les néons… alors qu’il ne s’agit pas que de ça. Personnellement je m’ennuie assez rapidement. Tokyo n’est pas une ville qui fait que de briller, j’ai décidé de mettre en avant cette face d’ombre cachée par la lumière… »

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Puis contacté par TheBergerie, Kimura a eu la gentillesse de nous livrer quelques détails concernant notamment la mise en avant de la scène rap de Tokyo, tout en nous expliquant que LOST YOUTH est en fait un film très personnel.

Ayant évolué professionnellement grâce au domaine de la musique en Angleterre (où il est parti vivre à l’âge de 12 ans) et après être tombé sur le son Ice Cold City du rappeur YDIZZY (le personnage principal de LOST YOUTH), il a tenu à inclure dans son film ce mouvement hip-hop et presque révolutionnaire pour la nightlife tokyoïte, représentée ici par YDIZZY aka diZZy et son entourage composé des groupes YENTOWN et kiLLa, apparaissant eux aussi dans le film.

« Ils font de la musique à laquelle on ne s’attend pas forcément de la part des rappeurs japonais (qui font habituellement du ‘gentil’). Avec eux le contenu et les textes se rapprochaient pour moi d’une vibe à la A$AP et la qualité était au rendez-vous, j’ai donc eu envie de les inclure à mon projet. J’ai contacté le producteur Chaki Zulu et la réponse a tout de suite été positive. »

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Le rap et le hip-hop restant des phénomènes encore très « underground » au Japon et perçus comme des milieux peu fréquentables, c’est de là qu’est venue la volonté de Kimura de mettre en avant YDIZZY, autant dans le film que lors de la Première au Circus Tokyo, le 15 juillet dernier, où les membres de YENTOWN et kiLLa ont fait le show. Un show pour lequel le public n’était pas vraiment prêt; effrayé de voir des rappeurs monter sur scène… nous a expliqué Kimura en riant.

Shooté en 5 jours au mois de janvier 2016, le film a également donné naissance au dernier clip de YDIZZY, un cadeau que Kimura a voulu faire au groupe YENTOWN et qui est devenu en plus de cela un élément complémentaire de LOST YOUTH, focalisé cette fois-ci sur le côté humain de diZZy et des personnages, nous a-t-il expliqué. On vous laisse voir par vous-mêmes.

Visuellement toujours au même niveau, MeyTonight vient servir de « packaging » à LOST YOUTH à travers une vision, peut-être, moins sombre, contrairement au film où Kimura dissimulait sa vision de Tokyo dans le discours du gourou. Ce qui lui a permis non seulement de s’exprimer de manière très rude (« This city is rotten »), mais aussi d’évoquer le problème des sectes au Japon, qui se faufilent de manière massive dans la société depuis les années 90. Lui-même en a été témoin, non loin de chez lui lorsqu’il était enfant, nous racontait-il au téléphone. Ajoutant le fait qu’encore aujourd’hui certaines compagnies vont jusqu’à s’enregistrer en tant que sectes; échappant ainsi aux taxes (elles ne sont pas appliquées aux cultes religieux au Japon)…

Tout comme les sectes et les religions, sa vision de Tokyo et l’image qu’il lui donne, c’est à vous d’y croire ou pas: « It’s up to you to believe it or not! » a-t-il conclu avec nous et on le remercie fortement pour le temps qu’il nous a accordé.

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