Captain Marvel – La femme et la flemme [CRITIQUE]

Avant un dernier rassemblement dans Endgame, le Marvel Cinematic Universe nous offre une nouvelle héroïne : Captain Marvel. Certes porté par la carrure de son héroïne, le film peine à s’éloigner des sentiers battus de l’entertainment marvelien. 

Le Marvel Cinematic Universe a gagné en inclusivité et en sensibilité. C’est tout frais, et l’idée remonte à l’année dernière lorsque sort Black Panther : casting majoritairement composé d’interprètes noir.e.s et structure narrative qui dépoussiérait non seulement la case dérisoire des origins story et les codes déjà bien connus de l’univers. On pourrait même y ajouter Infinity War et sa fin, osée, qui voyait les Avengers – ou plutôt ce qu’il en reste – pleurer leurs morts. Captain Marvel arrive donc à point nommé : envergue féministe, héroïne surpuissante, esthétique 90’, buddy movie… A travers cette histoire qui par la résurgence des souvenirs met en scène l’affirmation d’une identité proprement féminine, Captain Marvel s’en tire avec les honneurs mais aurait mérité – à l’image de Alita, autre blockbuster féministe sorti récemment – une plus grande sensibilité sur la capacité de son héroïne, et son univers, à provoquer l’action plutôt que de la subir, faute aussi à une écriture assez passive.

Calculé

Dans le champ des nouvelles histoires des nouveaux héros introduits par la bande à Kevin Feige, Captain Marvel, s’il bénéficie de cette nouvelle sensitivité à laquelle nous faisions référence, penche davantage pour l’engagement et la révélation de son personnage plutôt que ses qualités d’héroïne – le plus puissant de l’univers Marvel selon plusieurs experts en la matière. Le « higher, further, faster » dont se targue la campagne promotionnelle tient plus du dialogue consciencieux en rapport aux enjeux nouvellement inclusifs de l’univers qu’à un déferlement formel de supers-pouvoirs punchy capables de combler le manque de couleurs (ça n’a pas changé). Plus que le film lui-même, c’est un personnage qui nous parle : Carol Denvers est indépendante dès le départ, et elle n’a pas besoin de tout faire pour l’être, puisqu’elle a déjà ce feu en elle. Son adaptation à ses pouvoir se double non pas d’une acceptation de soi, mais d’une révélation, pour elle-même mais aussi aux yeux des personnes qui ont compté – sa partenaire d’aviation – et qui compteront à l’avenir.  C’est par cette sensibilité que le film se veut généreux.  Dans le registre du portrait, Captain Marvel est assez irréprochable, surtout si l’on compare à l’ineptie féministe que fut Wonder Woman dans l’écurie DC (être une héroïne c’est bien, être sexy c’est mieux, pour résumer).

A cela s’ajoute quelques bonnes idées, comme le couple formé avec un Nick Fury tout beau tout jeune, l’implication des souvenirs dans le devenir de l’héroïne… Seulement, et c’est plus criant ici que dans la majorité des films Marvel, on sent une forme de nonchalance dans le rythme qui peine à donner davantage d’envergure à l’héroïne. On adore quand Brie Larson fronce les sourcils et l’idée ici n’est pas d’attendre la fin pour s’en mettre plein les yeux, mais Captain Marvel est davantage le résultat d’une imbrication de rebondissements bien trop calculés qu’une histoire motivée par le parcours initiatique. Il manque un cadre, une pause dans la structure ascendante-descendante du film, sorte de storytelling plan-plan vraiment exténuant au fur et à mesure qu’il se répète. Dispositif certes convenu chez Marvel, mais quand même assez négligent voire naïf quand on sent la fureur, le potentiel du film à convoquer des formes nouvelles – une femme dans le premier rôle, Amérique des années 90’, coopération humano-extraterrestre…

Alors comment jongler entre imagerie fraîche en plus d’appartenir à une mouvance nouvelle dans le MCU et une pauvreté assez flagrante dans la façon de la déployer ? Facilement, on pourrait se dire que ce Captain Marvel marque une nouvelle étape dans le film de super-héros – de la même façon que Black Panther. Mais rétrospectivement, le film rentre dans le rang par cette volonté un peu balourde d’ingurgiter du « girl power » dans sa pure logique d’entertainment. Et c’est la qualité, comme le principal défaut, de ce Captain Marvel.