Dans Vivarium, le couple formé par Imogen Poots et Jesse Eisenberg se retrouve piégé dans un exponentiel lotissement avec pour unique mission d’élever un enfant… qui leur est « livré » dans un carton. Vous saisissez désormais le sens du titre.
Vivarium et La Bonne Épouse, pellicules liées par leur date de sortie (le 11 mars 2020) ont réalisé des performances bien différentes. Le film de Martin Provost a totalisé 171 000 entrées en quatre jours, avant que l’intégralité des cinémas de France ne ferme le 16 mars. Sur ce même laps de temps, Vivarium, de Lorcan Finnegan réalisait le score plus timide de 15 510 entrées : nul besoin d’être un monstre de calcul mental, cela fait plus de 10 fois moins. Jokers Films – la boîte de Manuel Chiche, distributeur de Parasite en France – se félicitait avec humour de « l’avant-première » accordée au film.
L’avenir de ces films qui venaient d’entamer leur parcours dans les salles obscures pose véritablement question. Vont-ils ressortir lors de la réouverture des cinémas, seront-ils parachutés en V.O.D. ou envoyés en DCP chez chaque Français ? La dernière proposition, vous l’aurez compris, demeure la moins probable. Vivarium sort en vidéo à la demande.
Retranscrire l’ennui et le désespoir
Le premier long métrage de Lorcan Finnegan est un film détonnant, avec une temporalité particulière : dans la mesure où les personnages sont enfermés dans un semblant de vie pavillonnaire, il s’agit pour le réalisateur de retranscrire l’ennui et le désespoir suscités par l’impossibilité de s’échapper.
Le spectateur est confiné avec les personnages dans leur routine, captifs de ce quotidien-piège. Comme dans Long Weekend (Colin Egleston, 1980), l’horreur ne dit pas son nom : elle émane des personnages eux-mêmes et d’éléments fugaces et insaisissables autour d’eux.
Le film demeure en quelque sorte prisonnier de sa temporalité radicale, qui devient excluante pour le spectateur. À ce dernier de décider s’il sera partie prenante de l’attente des personnages ou non. Surtout lorsque le film décide de se parjurer et d’envoyer un flot d’éléments de résolution confus dans les dernières minutes.
Face à l’enfermement, les réactions sont primaires
Le film débute lorsque, Tom, le personnage de Jesse Eisenberg essaye en vain de mettre le feu à la maison qu’on leur a assigné. Le numéro neuf part en fumée ; ils se réveillent entourés de cendres mais la maison est toujours là. Un carton ; un bébé. « Élevez-le et vous serez libres ». L’axe principal du film devient cet enfant qui les terrifie.
On pourrait y voir une parabole sur le statut de parent. Que dire alors de cet « enfant » qui leur est confié ? Tom met un point d’honneur à rappeler qu’il s’agit d’un « ça ». L’enfant n’a rien d’humain ; il réplique leurs gestes, leurs interactions, mais ne semble pas être capable de quelque initiative que ce soit. En réalité, il n’est qu’un catalyseur de l’éloignement du couple. Face à l’enfermement, leurs réactions semblent primaires et les perspectives sont genrées. L’homme choisit la force brute, essaie de creuser – mais vers où ? – pour s’évader. La femme est tentée d’essayer de comprendre l’être qui vit avec eux. Le film – en tous cas, Tom – l’accuserait presque d’excès d’instinct maternel. Lorcan Finnegan nous rappelle que ces catégories sont caduques dans un environnement parallèle.
Le piège parfait
Vivarium se démarque également par son esthétique : dans ce lotissement artificiel et irréel, tout fait « toc », décor, jusqu’à donner l’impression que l’architecte de cette banlieue résidentielle n’est autre que René Magritte (le réalisateur cite Empire of Light). Le fait que seuls trois bâtiments aient été construits puis répliqués numériquement participe à cette impression. Tim Burton en serait sans doute jaloux, lui-même n’ayant jamais filmé un décor à ce point aliénant. Les habitations sont verdâtrement identiques et on jurerait les nuages issus du papier peint de Toy Story.
Vivarium est imparfait, victime de sa thématique : filmer le statique sans ennuyer demeure malaisé. Sa construction manque d’une véritable direction, surtout alors que sa conclusion est trop bavarde. Il n’échappe pas non plus à la facilité d’une scénario cyclique. Pourtant, il est efficace dans la façon dont il renvoie le spectateur à cette question : qu’est-ce que vous feriez, vous, si le piège était parfait ?
Augustin Pietron (Oggy)