Salué à la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, Diamantino est un électron libre drôle et angoissé qui mélange différents genres pour mieux briller. Un objet délirant et terriblement lucide.
Il est difficile d’avoir le courage de s’affranchir de la réalité pour réussir à en parler convenablement. Cela est d’autant plus vrai au cinéma où les films politico-sociétaux sont légion avec leurs codes et leur esthétique. C’est la première victoire de Diamantino que de représenter le monde sans jamais le montrer réellement, de porter un regard juste sur la folie de la société tout en étant fou. Pour se représenter le film, il faudrait s’imaginer une explosion de paillettes au milieu d’un brouillard ou une danse pleine d’énergie dans un champ de cadavres. Tout ne tient qu’à un fil dans ce contraste et le numéro d’équilibriste pourrait plus d’une fois tomber dans le ridicule. Seulement voilà, à l’image des plus grands footballeurs, le film évite un à un les pièges avec grâce et élégance.
Le but d’une vie
Le fantastique Carloto Cotta (l’acteur fétiche de Miguel Gomes) est Diamantino, un footballeur adulé qui pense comme un enfant et qui voit sa carrière s’écrouler après une sombre histoire de penalty raté lors d’une finale de coupe du monde : alors son père meurt d’une crise cardiaque, et ses sœurs jumelles décident de lui voler ses comptes. Un imbécile innocent qui ne connait rien de ce qui l’entoure et qu’une rencontre avec des réfugiés va bouleverser au point qu’il décide d’en adopter un. Cet événement réel fait peu à peu disparaître l’univers coloré et peuplé de chiens minions-géants du personnage. Lui qui ne connaissait rien doit soudain faire avec ce qu’il découvre, les envolées visuelles qui illustraient son monde sont remplacées par des images qui s’attachent au personnage, c’est-à-dire ce qu’il voit.
Si la dure réalité détruit son imaginaire, le film, lui, travestit cette même réalité, et pas que, pour mieux la dénoncer. A travers une histoire de complot politique hilarante et déjantée dans laquelle un groupuscule d’extrême droite a pour projet de cloner Diamantino pour que le Portugal retrouve sa grandeur (!), une once science-fiction fait irruption dans le récit, et interroge. Le genre est parodié et l’idiotie semble totale mais c’est à travers cela que l’angoisse de voir la montée des extrêmes en Europe s’exprime, cette hystérie de l’individualité qui fait que les peuples s’attachent à un seul homme et ont peur de l’autre. Dans ce monde pop, l’altérité joue un rôle que ce soit à travers la figure des réfugiés ou la question du corps qui est, lui aussi, travestit. Le personnage de Aisha se fait passer pour un garçon réfugié dans le but d’espionner Diamantino pour le compte du gouvernement, elle cache alors ses seins, elle se transforme. Le personnage principal se verra pousser des seins qu’il appellera, dans son innocence touchante, des « kystes ». Les cartes sont redistribuées, il y a une confusion dans le genre sexuel qui devient multiple à l’image des différents genres cinématographiques auquel le film appartient.
Ces interrogations sont ancrées dans le monde contemporain et le film l’est véritablement. Film pop et queer, avec une touche de folie en plus, il mélange le comique et le tragique avec son personnage incapable de vivre normalement dans une société qui n’accepte pas la faiblesse de cœur et dont les vices sont nombreux. Diamantino est à la merci des autres personnages, de ses sœurs machiavéliques au réalisateur d’une pub nationaliste propagandiste, il ne contrôle rien. Il est un héros empêché de pouvoir vivre son histoire d’amour et d’enfin retrouver son monde coloré où il s’épanouit. A première vue il parait simple mais il est charismatique et singulier, tout comme le film en lui-même, si bien qu’il est impossible de parler correctement de Diamantino tant les mots ne font qu’effleurer la surface de ce diamant brut.