FRANTZ – [CRITIQUE]

Choquée par la disparition de son fiancé sur le front de la Grande Guerre, Anna, citoyenne allemande, rencontre un jeune français mystérieux qui semble connaître son ancien bien-aimé: un film guidé par les souvenirs mais faiblard. 

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Absent du paysage cinématographique français en 2015, François Ozon (8 FemmesJeune & Jolie) revient cette année avec Frantz, oeuvre qui remonte le temps jusqu’en 1919, après la Première Guerre mondiale. C’est l’occasion pour le réalisateur d’évoquer les tensions entre Français et Allemands après la ratification du Traité de Versailles, déclarant l’Allemagne vaincue, mais aussi de proposer à son audience un noir et blanc comme nous en voyons de moins en moins au cinéma de nos jours. Cette plongée dans le passé, au-delà de cet aspect photographique qui brille par son efficacité, le cinéaste va tout de suite l’appliquer à son processus de mise en scène : rues sombres et dépeuplées, musique classique aux tournures dramatiques… Ozon propose une idée esthétique de l’après-guerre mais aussi, clairement, l’envie de prolonger son sujet par la création d’un duo de personnages à travers duquel le metteur en scène formule un discours étonnant mais inachevé sur le syndrome post-traumatique et la course aux souvenirs.

Ce sont Pierre Niney et Paula Beer qui forment le duo du film, et avec brio. Si le premier prouve à nouveau une finesse qui fait de lui l’un des acteurs français les plus talentueux, la seconde atteint des sommets de sensibilités et s’encre parfaitement dans la posture dramatique du réalisateur. Pivot du scénario, cette paire de personnages sait donner de sa personne pour la bonne continuité du film, sans pour autant constituer un élan nécessaire à la formation d’une empathie. Souvent attendus, jamais étonnants, les personnages ne font preuve d’aucun moment de bravoure permettant au drame de gagner en intensité. L’aspect très lisse des films d’Ozon, souvent utilisé à bon escient – comme dans l’innocence juvénile d’Isabelle dans Jeune & Jolie -, ne trouve jamais un second souffle tout comme un pied d’égalité avec le fond.

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De ce point de vue, le film offre une relecture passionnante sur les souvenirs ; une posture proustienne complètement inattendue et maîtrisée d’une main de maître. À la même hauteur que les souvenirs vient s’insérer un thème majeur qui est celui du traumatisme psychologique provoqué par la guerre. Souvent maniée par nos amis américaines, cette thématique résonne comme une évidence qui non seulement motive la structure du métrage mais inspire aussi un certain intérêt. Seulement, et c’est là les limites de la posture du cinéaste, cette lecture reste au stade de la lecture et l’analyse évoque un profond devoir d’investigation au détriment d’une possible sollicitation du spectateur. Là où le réalisateur arrivait à percuter avec le sujet si rare de la transsexualité dans Une Nouvelle amie n’est malheureusement pas d’actualité dans Frantz, certainement trop occupé à fondre ses personnages dans le noir et blanc et dans les mœurs difficiles de cette époque – voilà un partis pris plus que discutable.

Agréable à l’œil, comme toujours avec Ozon, mais à la prestation minime, Frantz réussit là où il n’était pas nécessaire de l’attendre, ce qui lui donne le mérite de la surprise. Cependant, de par la construction mentale de ses personnages et l’envie d’en faire une véritable vertu de mise en scène, François Ozon s’emmêle dans les parti pris pour finalement oublier ce que constitue un véritable souvenir. Et, malheureusement, c’est oubliable.