Après trois réalisations en France, Mélanie Laurent s’expatrie aux Etats-Unis pour adapter le roman de Nic Pizzolatto, Galveston. Entre ballades en voiture, cigarettes à la fenêtre d’un motel et coups de sang, le constat d’un ratage total.
C’est dans un Sud des États-Unis désertique et sombre de la fin des années 80 que s’engage la cavale d’un gangster pas au mieux de sa forme, Roy (Ben Foster), et d’une prostituée complètement paumée, Raquel (Elle Fanning), qui n’ont plus rien à perdre. Sous ses allures de film noir et de policier violent, Galveston n’est pas plus qu’un ramassis de clichés de genre où tout tombe à plat, autant dans l’action que dans l’émotion. Lorsque l’on connait le talent de Nic Pizzolatto, auteur du roman qu’adapte ici Mélanie Laurent et à qui l’on doit le fabuleux travail sur la première saison de True Detective notamment, on ne peut s’empêcher d’y voir un immense gâchis dans le traitement de l’ambiance et des personnages, réduits ici à des silhouettes incapables de s’exprimer et de nous faire ressentir leur mal-être. Parfois, ce qui est écrit ne devrait pas être filmé.
Déroute
Le road trip du film est une interminable course vers l’efficacité qui ne sera jamais atteinte malgré les multiples effets de surenchère qui imposent au spectateur de ressentir et de se soumettre. Il n’y a pas de propositions de la part de la réalisatrice, seulement une histoire terriblement mal amenée et menée. De la première rencontre entre les personnages à partir d’une fusillade suite à un guet-apens mené par le patron de Roy jusqu’à la dernière image, tout sonne faux et se perd dans un style linéaire plan-plan : le soleil qui se couche, vous comprenez, ça n’avance à rien mais c’est beau. Il y a une volonté de marquer le trait, de bien montrer que, oui, les personnages ont une psychologie complexe et qu’il faut les respecter en évitant le « pathos », mais c’est en voulant éviter cette route, si simple à emprunter pour nombre de cinéastes, que le film s’y jette à corps perdu en laissant le spectateur et ses personnages de côté.
Dans ces décors obscurs éclairés aux néons, la violence passe à côté de la tension attendue. Les cris et les pleurs n’arrivent pas à résonner dans ce cinéma illustratif et s’étouffent dans une auto satisfaction apparemment décomplexée tant le film est sûr de son coup. C’est un long-métrage indépendant aux allures de mauvais blockbuster ; calibré dans son genre et sans aucun partis pris ni personnalité. Sans doute que le modèle de production américain y joue un rôle : Mélanie Laurent a passé un casting pour pouvoir être la réalisatrice, elle a dû batailler pour avoir la main mise sur le montage final et modifier le scénario, mais elle semble satisfaite du rendu et de ses modifications opérées sur les personnages. Loin d’être une simple histoire de cavale le film se veut aussi politique en tentant de dénoncer, à travers ses personnages fantômes, le système américain qui broie les petites gens, les laissés-pour-compte et n’offre aucun avenir. Là encore il n’est pas possible de se laisser toucher puisque rien n’appuie le propos et ce n’est pas cette tempête qui menace de dévaster une modeste ville en début de film qui va le faire.
Nous voilà alors plongés dans une ambiance taiseuse qui voudrait bien exprimer l’intériorité mais qui en est incapable. Tout est agencé selon un schéma bien défini, bien dans la norme, où rien ne dépasse. Le formatage est tel qu’il arrive forcément, dans la dernière ligne droite du film, un moment de bravoure visuel qui se voudrait instable, cru et vif mais qui ne provoque rien puisqu’il est le fruit de ce qui l’a précédé, à savoir de longues minutes placées sous le signe de l’ennui. Il ne reste alors que des silences qui pourraient remplir l’action et donner un peu de tension, des jeux de regards (le film en est rempli) et des non-dits. Mais un silence mal filmé ne produit que du vide.