JULIEN BAKER — DOULEURS & DOUCEURS [INTERVIEW]

Entretien à Paris avec l’une de nos plus belles découvertes sonores en date, Julien Baker. Une montagne de tendresse et de sens pour une future (très) grande de la musique indie.

Étudiante américaine de 23 ans originaire de Memphis, Tennessee, Julien Baker est indéniablement la grande révélation indie folk de ces dernières années. Son phrasé extrêmement personnel, couplé à un timbre de voix d’une authenticité absolue, est à même de bercer et d’attendrir les audiophiles les plus réticents aux sonorités simples et délicates proches de Joni Mitchell ou encore Daughter.

Cette douceur très contrôlée, hantée par les démons intimes de la jeune chanteuse (addictions, malêtre et angoisses avoués), a été subtilement mise à nue dans le superbe Sprained Ankle, un premier album extrêmement réussi, comme l’atteste sa présence dans les classements de multiples médias références, tels que Stereogum ou Paste Magazine, qui le plaçaient tous dans les meilleurs albums de l’année 2015. 9 chansons sans le moindre faux pas pour 35 minutes d’une confession auréolée d’amour.

Reine de pédales et d’effets délicieux en live, l’artiste retrace son parcours et ses troubles au son de pistes acoustiques épurées, au fil de titres testaments sur la foi, l’identité et la dépression. Loin d’être un ensemble funeste, son deuxième album Turn Out the Lights sorti l’an dernier est encore davantage, comme elle l’explique si bien, une tentative sincère d’aider les autres en se soignant elle-même. Celle qui se rêvait professeur il y a encore quelques mois transmet ainsi des émotions d’une pureté saisissante, rappelant les chefs d’oeuvres de City & Colour (Sometimes) et Dashboard Confessionnal (Swiss Army Romance). Une écriture empreinte de sensualité et de spiritualité pour ceux qui tendent l’oreille, mais aussi une thérapie pour elle-même. Si elle valorise la connaissance et l’éducation plus que tout, il semblerait que ce soit désormais après l’expérience que court son talent.

Lorsqu’on lui demande, elle précise que ses albums cultes dépeignent ses racines alternatives: Catch Us for the Foxes de mewithoutYouControl de Pedro the LionDefine the Great Line… d’Underøath et le cultissime Transatlanticism de Death Cab for Cutie. Tant d’oeuvres variées et stellaires qui lui inspirent des performances hautement intenses et touchantes, à l’aube d’une date à la Maroquinerie attendue avec beaucoup d’impatience.

Encensée par son entourage et toute la profession, Julien Baker continue de fouler les scènes du globe, armée de sa Telecaster bleue, tout en continuant à écrire sans arrêt à propos de son vécu et de ses questionnements. Le début d’une carrière plus que prometteuse qui, nous l’espérons, devrait l’amener à apporter son message aux foules dans les années à venir, seule ou avec ses amies de boygenius. C’est là tout le bonheur qu’on lui souhaite. Retranscription d’une session d’interview pleine de soleil(s).

JULIEN BAKER  — INTERVIEW

🎶 Hello Julien. En termes d’influences musicales, tu cites souvent des références plutôt punk hardcore. Quels groupes t’ont véritablement construite en tant que musicienne, et fan?

Là comme ça, je dirais que les quatre ou cinq groupes qui m’ont le plus influencée sont probablement Fall out Boy quand j’étais plus jeune, puis en grandissant Circa Survive, Manchester Orchestra et Death Cab for Cutie. La musique de Death Cab for Cutie a été énorme pour moi, elle a changé ma vie. Avant d’écouter leur musique, je n’écoutais que des groupes hardcore, avant de me pencher sur leur album qui m’a ouvert à tout un monde d’indie rock.

🎹 Sprained Ankle, ton premier album, s’est révélé totalement acoustique. Comment en es-tu venu à écrire des chansons aussi douces et mélancoliques avec ce background?

Sprained Ankle est tel qu’il est parce que j’étais loin de mon groupe de l’époque, et les chansons que j’écrivais en tournée étaient simplement écrites avec le matériel que j’avais à ma disposition, à savoir ma guitare et mon piano, c’est simplement comme ça que les morceaux ont pris forme.

« The harder I swim, the faster I sink… » 

🏹 Nous adorons cette ligne tirée de ta chanson Sour Breath, qui sonne si intime. Malgré la négativité insufflée à tes paroles, tu as reçu des critiques élogieuses de tous types de médias, avec tout sauf une noyade niveau carrière. Comment as-tu reçu cette augmentation soudaine de l’attention autour de toi, et l’arrivée de toutes ces nouvelles personnes dans ta vie?

J’essaie tous les jours de me rappeler de ce qui compte vraiment à ce sujet. Je pense qu’il est très facile de devenir obsédé par la reconnaissance, les accolades et l’attention. Je ne suis pas lassée, je trouve ça formidable quand il y a un article à propos de moi dans le New York Times, je trouve ça génial que mes concerts soient de plus en plus grands, mais j’essaie de me souvenir que tout ça… Que tout ça est dû à tout un tas de choses en dehors de moi, et que j’ai surtout beaucoup de chance de pouvoir faire ça. J’essaie juste de ne pas le prendre dans un sens où j’en deviendrais dépendante.

Je m’essaie tous les jours à la gratitude. Comme, tâcher de tout remettre à zéro dès que je me sens trop attachée, ou perturbée, ou frustrée avec des “oh, je n’arrive pas à croire qu’on doive aller si loin pour ce concert” ou “ma famille me manque, ma partenaire me manque, les choses me manquent, …”. Mais le sacrifice en vaut la peine, quand on joue comme à Milan pour la première fois il y a deux jours, et que l’audience est si heureuse, et communique ce bonheur… Peut-être qu’ils n’étaient pas heureux, mais ils ressentaient quelque chose, et être capable de ressentir ça vaut tous les sacrifices.

📖 Tu écris d’un point de vue très personnel, en incluant tes fantômes, tes regrets et des peurs, et amène donc forcément tes auditeurs à se reconnaître dans tes paroles lorsqu’ils souffrent d’anxiété, de doute, de solitude,… Que ressens-tu à ce sujet?

Je me sens bien par rapport à tout ça. Beaucoup de personnes avec qui je parle aux concerts ont leur petite anecdote personnelle. Mais je ne pense pas que ce soit parce que je suis “une personne si incroyable et importante”, c’est juste que j’ai été honnête à propos des choses qui me sont arrivées. Ce à quoi je pense que les gens connectent dans ma musique – et je ne dis pas ça juste pour être modeste – mais je pense vraiment que les gens sont capables d’établir cette connexion les uns avec les autres s’ils sont honnêtes et vulnérables, et le fait que je le sois leur ouvre en quelque sorte la porte, et leur signale que c’est normal d’être honnête et intime et vulnérable avec les autres. Et ça fait du bien! Je sais assez bien comment le recevoir pour que ça ne me monte pas à la tête, tout ça m’encourage et me renforce.

🎉 On dit souvent à propos des artistes que leurs oeuvres capitales ont été créées à leur période la plus difficile d’un point de vue personnel. Es-tu d’accord avec cette idée? Considères-tu que ton 4ème ou 5ème album pourrait être quelque chose de très enjoué et positif?

Il n’y a rien de grave à être proche de la tristesse et des émotions négatives, mais j’essaie de ne pas rechercher ces choses, ou de méditer trop de manière à les lâcher en chansons. C’est ce dont Televangelist parle. Je me décharge de toute cette tristesse, mais si je me sentais mieux désormais? Me reste-t-il des choses à raconter autre que ma peine? Parfois je me dis – c’est un peu hors-sujet, mais il n’en reste – que la raison pour laquelle les artistes sont davantage victimes de problèmes avec leur humeur et leur santé mentale (trois fois plus) est parce que nous ressentons très fort. Pour les personnes qui souffrent de dépression, mais sans être artistes, je pense qu’il y a une accoutumance à la tristesse, ce qui est quelque chose de terriblement effrayant, mais ce qui le devient tout autant est de prendre un risque.

Ainsi, décider d’écrire des chansons différentes, qui ne seraient pas tristes, est un risque pour moi! Mais ce risque est tellement plus remplissant que de continuer à toujours écrire la même chose. Je pense donc qu’il y aura une approche différente sur le prochain album. Et je pense que c’est avoir tort que de ne pas évoluer, de ne pas changer et de continuer à faire les mêmes choses, c’est même mauvais. Il faut apprendre, grandir donc… J’espère que le prochain disque sera plus énergique! [rires]

🙌 Nous ne défendons pas que les deux premiers disques aient besoin de changement, comme plus de batterie ou…

Oh non! [rires] Ok parce que je viens de changer… [rires] J’ai programmé des percussions dans mon nouveau set! Il n’y a toujours pas de batterie, mais plus de basse, d’éléments électroniques. Je les lance avec mes pieds, et je voulais juste le meilleur possible parce qu’à ce point de ma carrière, je veux que mon public soit touché et concerné, je veux tout faire pour donner le meilleur concert et les immerger. Donc j’ai ajouté ces couches pour que les chansons sont aussi denses que possibles, et je suis inquiète ce que les gens penseront… S’ils voudront que je revienne à l’ancien. Mais tu sais, j’essaie juste de faire de mon mieux.

💽 Côté écriture, penses-tu réellement tes compositions en tant que futures versions studio, ou plus sur la manière dont elles sonneront et résonneront en concert?

Mmh… C’est étrange, j’ai l’impression d’aller dans les deux sens. Je pense que c’est différent pour chaque musicien, mais j’écris ces chansons seules, j’ai alors une version à moi de ce que je veux avoir sur l’album, puis j’ajoute une instrumentale en fonction de ce qui sonnera le mieux en live. Mais la poésie et les notes des chansons sont déjà là, et j’ajoute juste selon mes futurs concerts, que je veux absolument prenants.

🎻 Quelle est l’histoire derrière ta collaboration avec Camille Faulkner, qui joue du violon à tes côtés sur scène?

On s’est rencontrées à la fac. Après, on s’est retrouvées dans le même programme de musique. Elle est excellente donc je lui évidemment demandé de jouer sur mon album Turn Out the Lights. Puis je voulais avoir quelqu’un sur scène avec moi. On a commencé à répéter ensemble et ça l’a vraiment fait! Maintenant elle joue sur bien plus de chansons que sur l’album, et je pense que ça apporte beaucoup.

🎤 Tu as réalisé des collaborations impressionnantes avec des groupes tels que Touché Amoré, Manchester Orchestra,… As-tu prévu d’autres collaborations prévues en dehors de boygenius? Si tu pouvais enregistrer un EP avec 3 ou 4 artistes, qui choisirais-tu?

Wow, voyons voir… Adrianne de Big Thief… Puis, une collaboration avec… Moses Sumney peut-être. J’aime la musique qui ne ressemble pas à la mienne, donc je pense si j’écoutais toujours la même chose, le challenge disparaîtrait. Donc je penserais à des artistes qui sonnent très différemment de ma musique.

🥁 Sur scène, on te retrouve avec des guitares électriques, acoustiques, du piano et du violon. Y a-t-il des instruments que tu aimerais davantage intégrer à ton set dans les années à venir?

Sur l’EP de boygenius j’ai pu jouer du banjo et de la mandoline! Je n’en avais pas joué depuis une période bluegrass dans le Tennessee, qui me semble être une autre époque. J’adorerais intégrer plus de synthés dans mon set, ou une boîte à rythmes, mais pas aux accents pop, plus à la David Bazan ou The Postal Service, juste “posée”.

👩‍🏫 Tu as étudié la littérature anglaise et lu beaucoup de philosophie. Qui sont tes écrivains préférés? Penses-tu avoir sur scène le rôle de transmettre quelque chose à un public comme le ferait un enseignant?

En quelque sorte. J’ai finalement trouvé de nombreux points communs entre être un performer et être un professeur. En tant que professeur, tu dois parfois donner de l’information aux gens juste pour leur apprendre quelque chose, tandis que je pense que la meilleure manière pour les personnes d’apprendre quelque chose est de les laisser découvrir par elles-mêmes. Ainsi, en tant que professeur, je pense que plus tu amènes les gens à un endroit où ils pourront apprendre par eux-mêmes, plus tu réussis.

Lors de mes concerts aussi, je ne veux pas juste être là debout devant un micro en train de dire ce qui est mal et ce qui est bien. Je veux vous inviter à un endroit où il vous sera plus simple de faire le travail par vous-mêmes. Pour moi c’est la mission des professeurs, leur responsabilité.

En ce qui concerne les auteurs, j’essaie de me concentrer sur les français… Sartre, Voltaire. Candide a changé ma vie. J’aime aussi beaucoup la littérature espagnole. Mais en ce moment je me mets au défi de lire plus de fiction moderne, et Arundhati Roy [The God of Small Things] est fantastique. J’ai aussi acheté ce livre intitulé Exit West, de Mohsin Hamid, qui relate la crise mondiale des réfugiés dans une réalité alternative magique, et ça m’a brisé le coeur. Ça fait cette chose que l’art doit faire, ça ne vous dit pas ce qui est bon et ce qui est mauvais. Ça vous invite à voir l’humanité d’une personne, à juger par vous-mêmes, et à réévaluer vos positions.

💐 Tu as travaillé avec Phoebe Bridgers et Lucy Dacus dans le cadre de votre trio boygenius. Comment avez-vous partagé le processus d’écriture et d’enregistrement de votre EP éponyme?

Les trois premières chansons en ligne étaient en effet partagées également, mais sur l’EP il y a Ketchum, ID et Salt In the Wound qui sonnent beaucoup plus collaboratives et collégiales. Le reste des chansons étaient quasiment terminées quand on s’est réunies. Je connaissais Phoebe parce qu’on avait tourné ensemble, idem pour Lucy, et on a organisé cette tournée d’automne, on a commencé à parler de notre set, parce que forcément on voulait quelque chose de très spécial et de très communal en live. On a pensé à enregistrer des reprises, des versions alternatives de nos propres chansons, puis l’idée est venue d’écrire quelques titres originaux.

On a alors toutes trouvé du temps, on est parties à Los Angeles et on y a passé une semaine entière à écrire, à rester dans le studio 12 heures par jour, à juste tenter de faire le mieux possible. Je pensais qu’on aurait seulement 3 chansons, mais on en a enregistré 6, ce qui est plutôt pas mal pour une semaine! Tout a été très spontané, on ne savait pas qui allait jouer sur l’EP jusqu’au jour de l’enregistrement, notamment la batteuse et d’autres choses. Tous les musiciens sont des femmes, l’EP est produit et écrit entièrement par nous trois. Même la photographe de la pochette est une femme. C’était important de maintenir l’accent sur ça, et d’élever l’art des femmes dans un monde d’art d’égalité totale.

[Nous avons lu quelque part que vous étiez les New Avengers de la musique indie!]

C’est vraiment gentil, j’aime beaucoup! Ça me rappelle la team menée par Captain Marvel, dans un arc de comics sur une île avec seulement des filles… Impossible me souvenir du nom, mais ça me fait vraiment pensé à cette première édition que j’avais achetée. Ils devraient nous caster pour le film! [rires]

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🌈 Tu as probablement entendu parler de PEOPLE cet été à Berlin. Nous t’avons vu répéter avec Justin Vernon une fois sur Instagram, as-tu été impliquée de quelque manière à ce projet?

Justin Vernon organise un festival dans le Wisconsin – Eaux Claires – qui est hautement collaboratif. Tous les artistes arrivent en avance, il n’y a pas vraiment de timetable… J’ai rencontré Gordi là-bas, on a passé la semaine ensemble et on est devenues bonnes amies. On a joué ensemble par la suite à Madrid mais on y a passé que quelques heures tandis qu’on avait vraiment eu le temps de devenir amies à Eaux Claires. On y a joué six concerts ensemble: elle était sur scène avec moi, j’y étais avec elle, on a chanté pour Big Red Machine, The National, etc.

🍿 Quel est le dernier film que tu as aimé?

Sorry to Bother You. C’est un film étrange et obscène, mais d’une manière qui construit une géniale critique sociale. J’ai aussi aimé Disobedience, très bon. J’y suis allé avec ma copine, et on a juste pleuré. La seule critique que je pourrais reprocher à ce film est que comme trop de films queers les histoires d’amour sont présentées comme tragiques. J’aimerais une histoire plus normale car c’est juste normal d’être queer, et cela n’a pas à être stigmatisé dans l’émotion. Même si c’est une très belle lutte qui est illustrée dans ce film.

🍑 Call Me by Your Name peut-être?

Oh oui! Je n’ai pas aimé ce film autant parce qu’il m’a semblé un peu plus sordide, mais j’ai réalisé que son importance était d’être comme n’importe qu’elle autre romance. C’était une histoire d’amour, très normalisée avec le discours du père à la fin. J’aurais pu regarder tout le film juste pour ce moment.

🦊 Ton dernier album coup de coeur?

Nearer My God de Foxing. Quand j’étais plus jeune, vers 15 ans, mon groupe a joué avant eux, au moment de la sortie de leur album Albatross. Nous sommes toujours amis aujourd’hui, c’est super de voir tout le chemin qu’ils ont parcouru depuis.

🐨 Ton animal totem?

J’ai envie de dire un loup parce que je trouve les loups tellement cool, mais j’opterais pour quelque chose d’un peu plus gauche, comme un raton laveur… Sûrement un raton laveur.

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🌟 Si tu pouvais être dotée d’un – et bien d’un seul – super-pouvoir?

Peut-être que mon super-pouvoir est de faire apparaître des photocopies n’importe où, n’importe quand! [rires] C’est si dur… La téléportation. Je choisirais la téléportation.

English version : click here

🎶 Hi Julien. In terms of musical background, you often talk about punk hardcore roots. What bands built you musically, as an artist and as a fan?

Right off the top of my head, the top four or five bands which influenced me the most: probably when I was younger Fall out Boy, and when I was older mewithoutYou, Circa Survive, Manchester Orchestra, and Death Cab for Cutie. Death Cab for Cutie was a huge one, it changed my life. Before I listened to them, I sort of only listened to hardcore bands, and then I listened to their record and it kind of opened me up to more indie rock stuff.

🎹 Sprained Ankle, your first album, came out to be totally acoustic. How did you come to write such soft and melancholic songs then?

The reason why Sprained Ankle came out like it did was because I was away from my bandmates, and the songs that I was writing were just written on the tour with what I had at my disposal, which was just my guitar and my piano, so that’s how the songs took shape.

“The harder I swim, the faster I sink…”

🏹 We really love this part, which sounds so intimate. Still, for you got rave reviews from all kind of media, and went far from sinking, just rising constantly. How did you live this sudden rise of attention online, at shows, getting more and more people into your life?

I try to remind myself everyday with what is actually important about it. I think it’s really easy to become preoccupied with recognition, accolades and attention like that. I’m not jaded, I think it’s very cool when I get an article in the New York Times, I think it’s cool when the sizes of my shows are bigger, but I try to remind myself that… That’s because of a lot of things outside of myself, and I’m very lucky to be able to do this, and I’m trying not to engage with it in a way that I would need it and depend on recognition.

Gratitude is something I try to practice everyday. Like, reset myself whenever I start to feel entitled, or upset, or frustrated with “man, I can’t believe we have to drive so far for this set”, “I miss my family, I miss my partner, I miss things”, … But the sacrifice is worth it, because then we have shows like a couple of days ago we played in Milan for the first time, and that crowd was so happy, and sharing that happiness… Maybe they weren’t happy, but they were excited, they were engaged, they were feeling something, and being able to share that is worth all these sacrifices.

📖 You’re writing from your personal perspective, with ghosts and stories from deep inside, but you get people to hear them and feel them for themselves, because they suffer from anxiety, doubt, loneliness, … How do you feel about that?

I feel good about it. A lot of people that I talk to about the show have some kind of a personal anecdote. But I think that’s not because I’m “such a great and important person”, that’s just because I was honest about things that happened to me. What I think people connect to in my music – and I’m not saying this just to be modest – but I really do think that people are capable of establishing that connection with each other if they’re honest and vulnerable, and me doing that first kind of opens up the door for people to think it’s okay to be honest and intimate and vulnerable with other people. I think it feels good! I know enough of how to receive that to not let it go to my head, so it encourages me and gives me strength.

🎉 It is often said about artists that their very best stuff came out at their own worst time. Do you agree about that idea? Do you consider your 4th or 5th album could be something highly joyful and positive?

It’s ok to be very in touch with sadness or negative emotions, but I try not to seek those things, or meditate a while in an effort to mine them for songs. That’s sort of what Televangelist is all about. Like I’m mining myself for all that sadness, but what if I feel better now? What if there’s nothing left to say that I’m sad? Sometimes I think – this is sort of an off-topic thing, but I think – the reason why artists often have problems with their moods and struggle with mental health (three times more) is because we feel very deeply. So for people with depression, even if they’re not artists, I think you get used to sadness, and I feel it’s something hella scary, but something else as scary is taking a risk.

So for me to write different kind of songs that aren’t sad songs is a risk! But that risk is so much more rewarding than just continuing to write the same stuff. So everything, I mean even on the next one, there will be a different approach. And I think there would be something wrong if you didn’t grow, and if you didn’t change and kept doing the same things, that would be bad. You have to learn, you have to grow so… I hope the next record will be more energetic yeah..! [l]

[We still don’t think the first two records need any change, like more drums or…]

Oh no! [l] Ok ‘cause I just changed like… [l] I programmed drums in my new set! There’s no actual drums, but there’s more bass stuff, like slow bass happening, electronic. I build it with my feet, and I just wanted the best because at this point of my career, I want the audience to feel engaged and moved, I want to do everything I can to make the stage the best so they feel immersed. So I added all these layers to just make the songs the best they could be, and I’m worried about what people will feel, like… Just go back to the old thing. But you know, just trying to do the best I can.

💽 Do you actually write your songs as studio versions, focusing on how they will sound on record, or more as future live songs, and on how they will sound and feel live?

Mmh… It’s weird, I feel like I go back and forth. It’s different for every artist, but I think I write these songs by myself, and I get an owned-in version of what I think the sound is, and then I add an instrumentation to be what I think will sound the best live. But the poetry and the notes of it are written, and then I add some stuff and I care about my live setting, what will be engaging.

🎻 What is the story behind your collaboration with Camille Faulkner, who plays the violin with you on stage?

We knew each other in college. After college, we both ran the same music program. She is amazing so I obviously asked her to be on the record Turn Out the Lights. And then I wanted to have someone playing live with me. We started playing together and it really clicked. Now she plays on a lot more songs than she’s actually on, with no violin on record but live there is, and I think it adds some value.

🎤 You did some impressive featurings with bands such as Touché Amoré, Manchester Orchestra, … Do you have any other collaboration planned other than boygenius? If you could release an EP working with 3 or 4 bands or songwriters right now?

Wow, let’s see… Adrianne from Big Thief. Then, I would collaborate with… Maybe Moses Sumney. I like music that doesn’t sound like mine you know, so I think if I just listened to the same music over and over, the challenge would vanish. So I like stuff that sounds really different from mine.

🥁 You always play your Telecaster live, as well as violins, piano and acoustic guitars. Are there some instruments you’d like to get more familiar with for your next projects?

On boygenius I got to play banjo and mandolin! I hadn’t played those since I was doing bluegrass stuff in Tennessee, which is like another time. I’d love to incorporate more synths into my set, like a drum machine, not in a pop way but more David Bazan-style, or like The Postal Service, just… “settled”.

👩‍🏫 You studied english literature, and read a lot of philosophy. Who are your favorite writers? Do you feel that on stage you have that role of giving something to an audience of people like a teacher would do?

Sort of. I guess I have found a lot of similarities between being a performer and being a teacher. But I also think being a teacher, sometimes you try to give people information just to teach them something, but I also think the most effective way for people to learn something is to let them discover themselves. So as a teacher, I think the more you try to bring a people to a place to learn something for themselves, the more you succeed. In my live set too, I don’t want to stand in front of my microphone and my monitor saying what’s wrong and what’s right. I want to invite you to a place you feel comfortable enough to figure out for yourself. I think that’s what teachers aim, that’s their responsibility.

For auteurs, I’m trying to think especially French. Sartre, Voltaire. Candide changed my life. I really like Spanish literature also. But right now I really challenge myself to read more contemporary fiction, and Arundhati Roy [The God of Small Things] is incredible. I just bought this book that I loved called Exit West, by Mohsin Hamid, which retells the refugee crisis in a magical, alternative reality, and it’s really heartbreaking. It does this thing art should do, it doesn’t really tell you “this is wrong” and “this is right”. It invites you to see a person’s humanity, and judge for yourself, and makes reevaluate your character.

💐 You’ve been working with Phoebe Bridgers and Lucy Dacus on boygenius. How did you share the writing and recording process for your self-titled EP?

The first three songs we shared were indeed equally shared, but on the EP there are Ketchum, ID and Salt in the Wound which feel much more collaborative and very shared. The rest of them were nearly completed when we brought them. I knew Phoebe because we had toured together, and I knew Lucy because we had toured together, and we booked this fall tour, and started talking about our live set, because obviously it felt very special and we wanted to collaborate live in some way. We started thinking about recording covers, different versions of our own songs, and then the idea came up to do some original songs.

So we found some time, went out to Los Angeles and we spent a whole week writing, staying in the studio 12 hours a day, just trying to make it as good as possible. I thought we would only get 3 songs done but we got 6, it’s pretty good for a week! It was a really spontaneous process, we didn’t know who was gonna play on it sometimes until D Day, like the woman who played drums and a couple other things. It’s all female session musicians, fully written and produced by us. Even the photographer’s female. You know, it felt really important to keep that focus of elevating female art in an equal art world.

[We read somewhere you were the New Avengers of indie music!]

[l] That’s really sweet, I like that so much! Makes me think of the squad led by Captain Marvel, on this island with only girls… I can’t remember the name, but it really made me think about this first edition I bought. They should cast us for that movie!

🌈 You probably heard about PEOPLE this summer in Berlin. We saw you practicing some rehearsal with Justin Vernon once on Instagram, were you involved in any way in this project?

Justin Vernon has a festival in Wisconsin – Eaux Claires – which is highly collaborative. All the artists show up early, there’s no real time set, … I met Gordi there, we were together all week and became really good friends. We actually played a show later in Madrid but we only spent a few hours there, and really became really good friends firstly at Eaux Claires. We played like 6 sets together there: she was on mine, I was on hers, we played collaborative sets, we sang with Big Red MachineThe National, …

🍿 What was the latest movie you loved?

Sorry to Bother You. That is a weird and obscene movie, but in a way it builds a great social critique. I love a good social critique. I also enjoyed Disobedience, it’s very good. My girlfriend and I went in and just cried. I mean because, you know, I think the only criticism I could address this movie is that queer love movies are often depicted as tragic. I’d love to this one narrative when those people are normalized because it’s ok and normal to be queer, and shouldn’t be stigmatized. Still there’s a great struggle represented in this movie.

🍑 Call Me by Your Name maybe?

Oh yeah! I didn’t like that movie as much because it seemed a little bit sordid, but I realized the importance of it was that it just was like any romance novel. It was a story of love, very normalized with the father at the end. I could have watched the whole movie for that moment.

🦊 The latest album you loved?

Nearer My God by Foxing. When I was a kid, like 15, my band played before them, when Albatross came out. We’re still friends, and it’s so cool to see how far we’re gone since.

🐨 Your spirit animal?

I wanna say a wolf since I think wolves are so cool, but I’d say something a little bit more clumsy, like a racoon.. Probably a racoon.

🌟 If you could have any superpower? [*photocopier starts loudly*]

Maybe my superpower is to make copies appear anywhere, at any time! [l] Oh this is hard… Teleport. I’d say teleport.

Merci à Beggars France, à Super! et bien évidemment à Julien Baker pour cette fantastique opportunité.