LOGAN: À COUTEAUX TIRÉS [CRITIQUE]

Alors que Marvel enchaine les effets spéciaux pyrotechniques en voulant aligner de plus en plus de super-héros dans la même production, James Mangold dit au revoir au personnage de Wolverine avec un film sobre, brutal et gorgé d’émotion.

Les films de super-héros se suivent et se ressemblent. Rares sont ceux qui se démarquent aujourd’hui en proposant autre chose, tout en conservant une large estime du public. L’exemple récent de Batman V Superman est un cas d’école.

Cette standardisation est déjà visible dans les bandes-annonces. Entre plans contemplatifs pour situer l’univers, focus sur les personnages pour comprendre l’intrigue et enchainements de scènes spectaculaires pour inciter le spectateur à acheter son ticket, nous sommes de moins en moins surpris en visionnant un trailer…

Là aussi, Logan s’est démarqué en octobre dernier en publiant une bande-annonce laissant la part belle à l’émotion au détriment de l’artifice. Sur fond du classique Hurt de Johnny Cash (choix non étonnant étant donné que James Mangold a réalisé Walk The Line, excellent biopic sur le chanteur rock-country) on y découvre un Wolverine vieilli accompagné d’une petite fille et au travers d’un périple désertique. Tout le monde s’est enflammé. Tout le monde a pensé à The Last of Us. Tout le monde était impatient.

Et pas en vain. Logan est un film de super-héros comme on en verra peu. Froid, violent, d’une grande noirceur. Osez nous dire qu’à côté de ça Deadpool est un film Marvel « gore »… Mangold fait encore plus dark que la version télévisuelle de Daredevil! Mais la violence brute n’est pas une fin en soi. Le réalisateur l’intègre avec justesse dans un univers hostile, où les mutants sont en voie de disparition, où des savants fous créent des monstres incontrôlables. Sauf que notre super-héros est sur le déclin, vieux, malade, voulant s’arracher à main nue ses lames en Adamantium. Et il n’est pas le seul. Ce cher Charles Xavier vire en papy gâteux assisté, incapable de gérer ses pouvoirs, ni même de prendre ses médicaments.

Pourtant, nos deux X-Men vont devoir reprendre du poil de la bête lorsqu’un jeune mutant baptisé X-23 leur est confié. Traqués par un groupe d’autorités mi-hommes, mi-cyborg, Logan va devoir sillonner le Nouveau-Mexique jusqu’à la frontière et ainsi mettre sa nouvelle protégée à l’abri. Débute alors un film qui nous donnera peu de moment de répit, si ce n’est pour mettre en exergue des liens entre les personnages.

Malgré son budget considérable, Logan n’est pas un film qui fait dans la démonstration. Mangold a choisi une réalisation sobre et épuré. Les effets spéciaux sont rares, mais quand ils sont utilisés, tout nous parait crédible à l’image. Et c’est bien ça l’essentiel. Comme exposé plus haut, Logan n’est pas un film sur les X-Men. Ici, pas de mutants qui se trimbalent en combinaison de cuir dans des vaisseaux high-tech. Le réalisateur adopte un style plus radical, en filmant des paysages désertiques sans vie et sans homme. Et les seuls humains que les personnages rencontrent se trouvent dans une situation précaire. Le film puise dans le genre du western pour poser son cadre, les références étant explicitement affichées dans la diégèse du long-métrage. Un univers qui fait également penser à celui des Mad Max, la scène d’ouverture donnant le ton avec une scène de fight sanglante.

Ainsi, les liens narratifs avec l’univers des X-Men sont judicieusement traités via des Comic books que la jeune X-23 stocke dans son sac à dos, et dont notre vieux Logan grincheux se moque.

Vous l’aurez compris, la tension dramatique se construit entre le trio de mutants qui s’aident, essayent de se comprendre, de veiller l’un sur l’autre, tout en gérant des crises intérieures. Et pour nous plonger au cœur de l’émotion, les acteurs livrent une performance incroyable! Hugh Jackman est au sommet de sa forme, pour camper un Logan qui, lui, l’est moins. Toujours aussi imposant physiquement, la gueule cassée, le souffle court, l’acteur émeut aux larmes quand vient la scène finale…

Patrick Stewart transforme sa prestation en campant un Charles Xavier malade et fragile, mais toujours aussi protecteur avec les siens. Dafne Keen est géniale, en petite mutante muette et rebelle. Sa première scène de fight accompagnée de son bol de céréales ne pourra vous laisser de marbre! Mais la jeune actrice épate aussi dans les scènes où elle laisse parler son cœur. Enfin, quel plaisir de retrouver Boyd Holbrook dans le rôle du super-vilain! Acteur charismatique qu’on aurait voulu voir davantage à l’écran, tant son personnage s’impose rapidement comme un véritable rempart.

La dernière scène est magnifique, à la fois intime et pudique, tout en retenu. Quand tombe le carton final où est inscrit pour la dernière fois « LOGAN », s’en est suivi un silence religieux dans la salle. Une preuve que l’émotion est palpable. Puis vient The Man Comes Around. Johnny Cash n’est jamais loin.

Logan est un petit ovni. Ne cherchez pas à y voir une connexion trop grande avec les autres films X-Men. Nous avons déjà pu constater que la timeline de la saga a été complétement explosée (notamment avec le dernier opus signé Bryan Singer). Mongold se concentre sur son personnage pour lui faire un bel adieu. Hugh Jackman lui-même suffit à raviver nos souvenirs et le background de Wolverine qu’il incarne depuis 17 ans. Merci à James Mongold d’avoir produit un ultime épisode de qualité, bien plus inspiré que son prédécesseur. Comme quoi, un film de super-héros n’a pas besoin de baigner dans une soupe numérique pour avoir du goût.