Film après film, Pixar explore et émerveille. Le 24ème long-métrage du studio californien s’empare d’un été italien, à travers lequel Luca, un jeune monstre marin anthropomorphe cherche à trouver sa place. Un film en forme d’appel à l’aventure estival, dont on regrette qu’il ne soit pas arrivé jusqu’aux salles obscures.
Au cinéma ou sur un écran de treize pouces, l’une des valeurs sûres d’un Pixar reste la qualité toujours croissante de l’animation. Sa qualité, sa précision et en un sens, sa cohérence film après film : l’identité visuelle du studio est immédiatement reconnaissable. Luca brille à la fois par le sens du détail dans la composition des scènes et par ses plans larges. Autant de tableaux sublimes. On les confondrait presque avec des décors réels s’ils n’étaient pas habités par ces jeunes gens aux grand yeux, bouilles rondes et cheveux ébouriffés, qui ne semblent pas grandir [alors que nous… si].
De Nemo à Coco, les « Pixars » racontent des départs à l’aventure – accidentels ou non – fondateurs et émancipateurs. Ici, Enrico Casarosa observe celui de Luca, qui s’évade du périmètre imposé par ses parents pour sa sécurité… ou leur tranquillité. Dans leur famille de monstres marins anthropomorphes, on ne s’aventure pas chez les humains. Quoique, il semblerait que la grand-mère de Luca ait des choses à raconter à ce sujet. Qu’à cela ne tienne, Luca fait juste après ce rappel à la règle la rencontre d’Alberto, habitué à explorer la surface. Il l’entraîne à ses côtés, sur la petite île qui lui sert de royaume.
Interdire ou comment susciter l’envie de transgresser
Chacun des films Pixar peut se faire avertissement méta aux parents qui accompagnent leur progéniture au cinéma un dimanche matin. On vous l’a dit et on vous le redira tant que nécessaire, poser des barrières et interdire, c’est la meilleure manière de susciter l’envie de transgresser.
Le scénario de Luca est épuré ; le film est le plus court des studios depuis Toy Story, leur premier long. Luca cherche sa liberté en dehors du giron parental, en dehors de l’océan. Quelque part entre Ponyo sur la falaise et La Forme de l’eau, le contact avec l’air donne justement forme humaine à ceux de son espèce. La couverture est idéale et il s’agit simplement de ne pas être mouillé, mais une goutte d’eau peut révéler quelques écailles. Et dans un port, les occasions de se retrouver trempé sont nombreuses.
Luca et Alberto sont d’abord fascinés par une Vespa, qui devient un enjeu avant que le film n’aille plus loin et se penche à nouveau sur les relations humaines. Les garçons rencontrent Giulia et le duo devient trio. Une course annuelle qui doit leur permettre de remporter la Vespa pour les garçons et l’estime des habitants du village pour Giulia devient l’occasion d’explorer sensibilités et aspirations de chacun.
Un ‘coming of age movie’ ultra référencé
Le réalisateur est animé par la volonté de partager ses souvenirs d’enfance et l’apparente simplicité du film lui permet de mettre en place un univers aussi original que chatoyant. Luca ne se déroule pas dans la ville italienne éponyme mais à Portorosso, un village de pêcheurs inspiré de Monterosso, l’une des communes des Cinque Terre. On y croise un papa taciturne et moustachu, un caïd aussi crâneur que ridicule, des splendeurs oubliées de la variété italienne (Rita Pavone, inattendue) et des affiches de classiques du cinéma italien, qui tapissent discrètement les murs de la ville… Mais également le temps d’un plan fugace, une photo de Marcello Mastroianni. C’est d’ailleurs sa fille Chiara qui double la mère de Luca dans la version française…
En toute simplicité (bien qu’à l’aide de quelques accents italiens appuyés…) Luca nous rappelle que grandir, c’est nécessairement laisser quelques écailles derrière soi.
Augustin Pietron (Oggy)