NECK DEEP – MATURITÉ OBLIGE [INTERVIEW]

À l’occasion du passage de Neck Deep au Petit Bain à Paris, nous avons rencontré Matt West (guitariste et membre fondateur) et sa superbe barbe pour un échange très pop, et très wuf.

Il y a tout juste quatre ans, Matt West allait encore tous les jours au travail, comme nombre d’entre nous. Aujourd’hui c’est toujours le cas, sauf que le man a délaissé les comptoirs pour le studio, la route et la scène suite à l’explosion de son groupe Neck Deep avec Wishful Thinking, premier album sorti en 2014. Dès l’intro de Losing Teeth, titre d’ouverture de la galette, le ton est donné: les gallois en ont sous le coude, et sont loin d’être un énième ersatz de blink-182, fait alors reproché à la majorité des newcomers. En parallèle, la chanson A Part of Me, publiée sur l’EP précédent, devient une petite sensation sur YouTube. Cité dans de nombreux tops annuels de la presse spécialisée (AbsolutePunk, Rock Sound, Kerrang!, Alternative Press, …), Neck Deep a alors tout pour devenir le Fall Out Boy de la décennie 2010, et embrasser une destinée de grand nom du genre.

Repéré par les fans de pop-punk au fil de tournées extensives en première partie (Pierce the Veil, Sleeping With Sirens, …), Neck Deep se fait rapidement un nom des deux côtés de l’Atlantique, gagne en fanbase au fil des mois, et corse son set avec Life’s Not Out to Get You, un deuxième album diablement efficace, produit par la crème du milieu. Accompagné d’une iconographie somptueuse, le disque permet au groupe de monter en puissance sur scène, au fil de singles taillés pour l’exercice, comme Rock Bottom, Can’t Kick Up the Roots et Gold Steps. L’oeuvre du groupe prend également une autre dimension avec un univers plus prononcé, et la sortie du double single December avec Mark Hoppus et Chris Carabba (imaginez un jeune chanteur de variété française rassembler Goldman et Cabrel sur son deux-titres). Le temps de faire ses preuves est fini, et l’ascension de Neck Deep se poursuit de manière fulgurante. Le groupe est choisi pour ouvrir la cérémonie d’ouverture des APMAs (sortes de NRJ Music Awards du milieu aux USA) avec un medley historique mêlant Green Day, New Found Glory et All Time Low. La messe est dite, et le respect palpable.

Le défi périlleux du deuxième album relevé avec brio, le groupe entame l’écriture d’un troisième opus en juin 2016. Hélas, la vie n’est pas tendre avec Ben Barlow (chant) et Fil Thorpe-Evans (basse), qui perdent leurs papas coup sur coup. Alors âgés de seulement 22 ans, les musiciens partent enregistrer The Peace and the Panic aux États-Unis, loin de leurs familles. Matt West revient sur cette période difficile d’un point de vue émotionnel, mais également débordante de souvenirs, de collaborations et de perspectives solaires faisant de Neck Deep, de cet album et de cette tournée des exemples à suivre pour les années à venir. Débrief coloré d’un entretien passionnant.

pt. 1  The Peace and the Panic Interview

Hello Matt! Après avoir remporté un APMA plus tôt cette année, vous venez de sortir votre troisième album The Peace and the Panic (via Hopeless Records). Félicitations!

Nous savons aussi que l’année dernière n’a pas été de tout repos pour le groupe, et nous en sommes désolés. Quel a été l’impact de tout ce vécu sur l’écriture de l’album? En ressort-il un disque plus personnel, intime, politique?

Oui, définitivement. Pendant l’enregistrement de notre deuxième album Life’s Not Out to Get You, on était dans un état d’esprit juvénile, conquérant, comme si rien ne pouvait jamais nous arriver. La vie a voulu qu’on prenne deux grosses claques sur très peu de temps, comme pour nous forcer à grandir et à mûrir d’un coup. On est encore très jeunes par rapport à beaucoup de groupes avec lesquels on tourne, et on se rend compte de notre vulnérabilité et de tout ce qu’il nous reste à apprendre sur le monde, sur la vie et sur nous-mêmes.

C’était en quelque sorte la toute première fois que certains d’entre nous traversaient ou partageaient la peine d’un deuil, et cela a bien entendu poussé à orienter nos paroles vers des thèmes plus sérieux, et parfois plus sombres. J’ai encore du mal à concevoir la tristesse que la perte d’un parent pourrait me faire ressentir, mais je sais que de supporter ça tous ensemble a changé notre rapport à l’écriture, et au sens que l’on peut donner aux chansons. Désormais on cherche plus à creuser ce qu’on veut communiquer, pour une direction forcément plus mature qu’avant.

En résumé, The Peace and the Panic est le résultat de ces expériences de vie qui, bien que redoutables, ont contribué à l’écriture de ce disque et au renforcement des liens d’amitié entre nous.

Après Jeremy McKinnon, Andrew Wade et Tom Denney, c’est Mike Green (Paramore, All Time Low, Sum 41) que vous avez choisi pour enregistrer l’album. Comment ça s’est passé?

Extraordinaire. Mike [Green] est un génie de la musique. Il a su me donner plus de confiance, et me faire me sentir légitime dans la pratique de mon instrument. C’est dingue, je ne sais pas trop l’expliquer avec des mots, il a comme un don. Je n’avais jamais vu quelqu’un avoir un tel instinct pour les mélodies; il suffit de lui fredonner un air de potentiel refrain pour qu’il propose un riff original abouti, et d’une pertinence incroyable dans la seconde. Il sait tout de suite reconnaître les chansons qui sortent du lot, celles qui marqueront.

Côté écriture, on est arrivés en studio avec 25-30 demos, beaucoup plus que jamais auparavant. Il avait déjà sélectionné et annoté tous les titres avant même le premier jour d’enregistrement. Pour les albums précédents, on allait en studio pour enregistrer notre lot de chansons avec des pros, que l’on admirait. Avec Mike, les sessions ont été beaucoup plus collaboratives, et faites d’allers-retours d’idées et de suggestions. Les titres ont évolué au fil du process, et The Peace and the Panic est vraiment devenu ce qu’il est à ce moment.

Je ne dirais pas que c’était mieux ou moins bien, car travailler avec Andrew ou Jeremy a été une expérience formidable pour nous. Mais on a beaucoup apprécié travailler avec Mike, et on est très fiers de la consistence de notre album, qui est aussi son oeuvre. Même pour les bonus tracks qui arrivent bientôt; chaque chanson enregistrée a sa propre histoire en studio.

Ces derniers mois, vous avez tourné en première partie de All Time Low, The Maine, A Day to Remember, Moose Blood, etc. Qu’est-ce que ça fait de revenir à Paris dans le cadre d’une tournée en tête d’affiche comme celle-ci?

C’était vraiment du bon temps. On est en train de réaliser l’importance de toutes ces dates, qui nous ont permis de bien nous préparer pour cette tournée. On a eu la chance de tester les chansons devant des plus grosses audiences, aux côtés de groupes avec lesquels on aurait pas pensé pouvoir jouer il y a quelques années, et de rencontrer tout un tas de nouveaux fans. C’était assez dingue pour nous de jouer devant des grandes salles remplies dans des pays comme l’Allemagne ou la France. L’avantage de cette scène, c’est que les spectateurs sont constamment dans la recherche de nouveautés et de découvertes. La première partie reste une vraie occasion de marquer les esprits, en plus auprès des fans d’artistes que l’on adore aussi, et qui nous inspirent.

Cette tournée n’est pas notre première en tant que tête d’affiche, mais elle nous donne vraiment une sensation de travail accompli quand on voit que les salles sont plus grandes que la fois d’avant, et se remplissent davantage chaque année. Parfois il faut savoir se féliciter du chemin parcouru!

Cet été, vous avez sillonné les USA au cours du mythique Warped Tour. Considérez-vous l’expérience de tournée sur les deux continents comme différente?

Personnellement, je ne vois pas de grande différence dans notre façon d’aborder les concerts. En fait, c’est plus la vie de tournée qui change: en Europe, tu as énormément de choses à voir dans et entre chaque ville, tandis qu’aux États-Unis la route est souvent une succession étendue de zones commerciales avec des fast-foods et des Wal-Mart. Ici on aime aller se balader tout simplement, en Amérique il faut toujours une voiture, et en tournée on partage tous le même bus, donc moins d’excursions, et le temps paraît souvent bien plus long!

Vous êtes gallois, et avez déjà pu jouer plusieurs fois en France, et notamment ici à Paris. Comme pour d’autres villes, ces dates représentent-elles un petit quelque chose de spécial?

Pour le coup, c’est notre premier concert sur un bateau et on est contents que ce soit ici, niveau charme c’est pas mal! En plus, on a des amis qui vivent ici et qu’on va retrouver au concert, c’est l’avantage aussi quand on joue pas trop loin de la maison. Pour ce qui est de Paris, en tant que touristes on a toujours l’impression de jouer entourés de monuments très iconiques dans toutes les directions, cette ville a une force bien à elle.

L’artwork de votre album précédent, Life’s Not Out to Get You, a été dessiné par Ricardo Cavolo, également célèbre pour son travail sur le 99.9% de Kaytranada. Comment est survenue cette collaboration? Quelle est l’histoire derrière la pochette de The Peace and the Panic?

Pour la pochette de Life’s Not Out to Get You, ça s’est passé de manière très classique. On cherchait des illustrateurs en ligne, et on est tout de suite tombés amoureux du travail de Ricardo Cavolo. Il avait l’air pas mal occupé, mais un simple e-mail a suffit. Aujourd’hui, on aurait certainement eu plus de mal car sa carrière a explosé, notamment vers la mode, le design, … il a même bossé sur une collaboration avec une marque de whisky récemment. Mais là, ça l’a fait!

On lui a juste envoyé le titre de l’album, et on l’a laissé libre, alors qu’il n’avait même pas entendu les chansons. Il s’est passé un truc assez fou: l’artwork comprenait des symboles qui répondaient aux morceaux que l’on avait en stock, en particulier les serpents.

Pour The Peace and the Panic, on a travaillé avec Ryan Bash, que j’avais également repéré sur internet. C’est un artiste que j’aime beaucoup. Il nous a d’abord proposé la back cover de l’album, que l’on a adorée, puis on l’a laissé composer le reste avec, comme pour le précédent, le seul titre de l’album en inspiration. Et encore une fois, la première tentative a été la bonne!

Par le passé, vous avez multiplié les featurings très classes, comme avec Mark Hoppus, Laura Whiteside ou Sam Carter. Si tu pouvais choisir le prochain invité, qui aurait ta faveur?

Oh c’est si dur… Avant cet album, j’aurais répondu Sam Carter sans hésiter, je suis un énorme fan de son groupe Architects. Donc je suis déjà comblé! Mais sinon je dirais Matt Skiba, chanteur d’Alkaline Trio et blink-182, ce qui me permettrait d’avoir en une seule personne les chanteurs de mes deux groupes préférés. Je ne me refuse pas à y croire!

pt. 2  Matt West — Pop Interview

Si tu pouvais…

Élire le meilleur film de l’année 2017? De toute l’histoire du cinéma?
On est allés voir Blade Runner 2049 tous ensemble l’autre jour. Personne n’a aimé sauf moi. Franchement j’ai adoré, j’ai trouvé le film incroyable! Visuellement c’était une claque, pour moi il est au-dessus du lot.

L’autre question est vraiment hard… Je pense que mon film préféré de tous les temps, celui que j’ai le plus vu, est Good Morning Vietnam avec Robin Williams. C’est mon acteur préféré, à jamais.

Voir n’importe quel artiste en concert (vivant ou non)?
Ouh… Je n’opterais même pas pour un choix impossible, je n’ai jamais vu Metallica sur scène. Je ne me l’explique pas, c’est dingue, je suis vraiment fan depuis que je suis ado. Ça reste un de mes objectifs de vie, il faut absolument que je passe le pas!

Passer une semaine avec le groupe n’importe où sur Terre?
Tokyo, sans la moindre hésitation. C’est mon endroit préféré au monde, j’adore cette ville. J’ai une vraie obsession pour l’animation, les jouets, le merchandising, et là-bas c’est un véritable paradis, c’est inimaginable. On a déjà eu la chance d’y aller quelques fois, mais je choisirais tout de même toujours Tokyo. J’aime tant l’ambiance de cette ville que je me verrais bien y vivre.

Prendre un café avec n’importe qui (vivant ou non)?
Ma grand-mère. Elle est décédée quand j’étais très jeune, et j’aurais adoré mieux la connaître.

Embarquer n’importe quelle série sur une île déserte?
Wow… J’opterais pour une série que je connais déjà par coeur, j’ai trop peur de me tromper si je choisis quelque chose que je n’ai jamais vu. Allez, je dirais un anime japonais, Gurren Lagann. Bon, j’ai déjà vu l’intégrale un million de fois, mais je ne m’en lasserai probablement jamais, même si je n’ai que ça pour le reste de mes jours.

Ne retenir qu’un seul de tes concerts en tant que spectateur?
Green Day sur la tournée de l’album American Idiot. Ma mère m’a emmené les voir à la Manchester Arena, je devais avoir treize ou quatorze ans. J’étais dingue de cet album, et c’était leur passage des salles moyennes aux grands stades. Je n’avais jamais vu un groupe donner tant de sens à sa prestation, au-delà de la simple signification de ses chansons. C’était un exemple pour le futur.

Avoir un (et un seul) super-pouvoir?
Voler. Je suis désolé, ça n’est pas original du tout, mais je ne peux m’empêcher de penser au gain de temps que ça représenterait. Fini le bus! Et puis pour chier sur les gens dans la rue… (rires)

Te réincarner en animal?
Un chien, direct. J’adore les chiens!

Nous recommander un album à côté duquel nous sommes probablement passés?
Trophy Eyes. Ils ont frappé un grand coup avec Chemical Miracle, c’est du très très bon. L’album est sorti l’année dernière, mais j’y reviens non stop. Je ne peux même pas comparer leur disque à un autre, ils ont vraiment trouvé leur son, c’est du solide.

Merci à Antoine Piel pour son aide bienvenue sur cette interview!

The Peace and the Panic est disponible sur toutes les bonnes plateformes de streaming.