[EDITO] POURQUOI PIXAR EST UNE CHANCE?

Deux ans après Vice Versa, les studios Pixar reviennent avec l’immense Coco, projeté hier en avant-première en France. Puisqu’on en a pris plein les mirettes, nous rendons hommage à la firme à la lampe…

Chaque année, le cinéma a sa tradition. Chaque année, les studios Pixar reviennent dans les salles pour rassembler les spectateurs et faire briller de mille feux ce génie qui n’appartient qu’à eux. Une tradition qui est une chance – mais laquelle ? Pixar, c’est comme un souvenir qui tourne en boucle non seulement chez l’innocence des enfants, mais aussi chez les plus grands. C’est alors une fabuleuse occasion de se retrouver, ensemble – les familles, les solitaires, les amis (…) – dans une salle obscure : faire rejaillir nos valeurs communes, à l’abri des regards, dans la caverne aux merveilles. Dès lors que ce Pixar, ou celui-ci, est projeté sur la grande toile, la grâce solitaire d’une salle berce les illusions comme une comptine chantée près du feu, comme un murmure au nom de tous les possibles du cinéma. Cela peut se manifester avec des jouets qui parlent, un poisson-clown en constante angoisse, ou même des émotions qui, oui, elles aussi, pleurent au coeur de cet élan magnifique qu’on appelle création. Pixar, c’est des créateurs et des créations qui font battre le coeur de la salle et de ses habitants : un Eldorado-cinéma issu de leur génie, tout simplement.

Et Coco, le nouveau film des studios dont la sortie est prévue ce mercredi, est cette nouvelle chance qu’offre leur carrière. Il condense à lui seul les progrès techniques et réflexifs de la firme à la lampe : visuellement exceptionnel, une destinée aussi angoissée que poétique, une franchise scénaristique épatante… Et les souvenirs, mêmes les plus durs, les vôtres, les nôtres, pleurent de joie et d’admiration. Vice-versa nous l’avait bien dit : la tristesse est aussi un vecteur de joie. Et la mort, à l’image de cette leçon culturelle originaire du Mexique et communément appelée Dia de los Muertos, est le seul recours pour chanter la vie et ses vivants, oui, mais aussi ses fantômes qui ont peur d’être oubliés et d’oublier pourquoi ils ont été vivants. Et si la vie ne devenait infinie que par la mort ? Est-ce que les souvenirs, quels qu’ils soient, ne sont que ce qu’il nous reste pour remonter le temps ? Pixar et ses spectateurs s’échappent avec Miguel, ce héros de l’être aux ambitions purement humaines, dans un monde qui ne fait pas peur, même s’il n’est composé que d’ancêtres squelettiques. Non, ce monde a peur, comme nous, et ressemble à ce monde des images et des sensations qui est le nôtre. Comment mieux prendre conscience de notre monde quand un autre nous est offert face caméra ? Voilà la question que le cinéma, de son vivant, ne cesse de se poser à travers ses images animées. Voilà peut-être l’une de ses meilleures réponses.

« Plus les années passent, plus on est solidaires ! », chantait la saga Toy Story pour résumer la relation des copains-jouets du shérif Woody avec le jeune Andy qui, comme nous et bientôt eux, a grandi au fil des années. Et Pixar aime aussi se poser cette question : est-ce qu’un film peut grandir avec ses spectateurs ? Après visionnage de Coco – grandir avec ses souvenirs et sa propre mort – et l’effet de rétrospection qu’il offre à toute la saga animée des studios, tout nous indique que la principale chance consécutive à ce temps qui fane et les émergences instinctives de la vie dont nous parle Pixar est cette mesure si recherchée de la pérennité d’une œuvre. Coco et Pixar bousculent les frontières de nos concepts, les filment avec bienveillance. Pour les plus jeunes, ce film leur donnera une autre vision du monde, quelque temps après avoir apaisé leur innocence. Pour les plus grands, il bouleversera leur croissance, et ce jusqu’à la fin. Cette pérennité recherchée par une œuvre d’art, un film ici, n’est-elle pas sa faculté de s’introduire dans la vie de son observateur, sans jugements, avec harmonie ? Il y a de fortes possibilités que ce soit le cas ici. Et oui, pourtant, le dernier Pixar parle de la mort ;  non, il parle de la vie. Et c’est un geste sublime ; à l’abri des regards, à travers une création aussi riche, et pour mieux marquer l’humain et son reflet à travers l’art. Alors, oui, Pixar est une chance : saisissons-la.