Les remontées mécaniques sont toujours fermées mais les cinémas, eux, ont rouvert et le film le plus fort de la reprise estivale des cinémas français est très ancré… dans l’hiver alpin. Avec Slalom, la réalisatrice Charlène Favier livre une fiction sur l’emprise dans le domaine du sport, en l’observant depuis la section ski-études d’un lycée des Alpes.
Lyz (Noée Abita, incomparable) est une jeune athlète débarquée en cours d’année dans la section ski-études d’un lycée de Bourg Saint Maurice. Si les premières minutes du long-métrage présagent un coming-of-age movie et l’étude de la difficile intégration d’une adolescente dans un groupe installé, il n’en est rien. Slalom éclipse d’ailleurs rapidement toute interrogation d’identité, alors même que son scénario esquissait une éventuelle relation homosexuelle. Lyz vit pour son sport, « elle a faim », elle veut gagner sans même savoir l’expliquer, et c’est le début de sa descente aux enfers.
Dernière arrivée dans l’équipe, elle se focalise sur Fred (Jérémie Renier), l’entraîneur, plutôt que sur le bloc déjà soudé formé par ses camarades. Les autres la préviennent tout de même : Fred n’accorde son intérêt que lorsqu’il voit du potentiel et cette attention ne persiste que si les résultats sportifs suivent.
La confiance aveugle bascule vers la domination
Charlène Favier explore les ressorts psychologiques de l’emprise. En tant qu’entraineur, Fred exige de Lyz une confiance absolue ; elle la lui donne volontiers, jusqu’à ne plus rien voir d’autre que lui. Loin du prédateur, la réalisatrice fait de l’entraîneur un personnage nuancé, un ancien champion blessé habité (hanté ?) par l’idée de la réussite d’une de ses protégées. Le jeu des deux acteurs et la relation qu’ils développent atteint un rare degré d’intensité. La confiance aveugle bascule vers la domination.
Unique faute de carre, Slalom souffre du syndrome du premier film, une mise en scène bavarde et dispersée qui veut impressionner. D’un côté, les plans sur les montagnes comme les séquences de descente font envie, on file à toute vitesse avec Lyz dans les slaloms du titre ; de l’autre, le film s’enfonce dans la poudreuse quand il ne suggère pas. Que ce soit la mise en scène de ce viol qui, trop près des corps, oublie de questionner l’acte, ou la photographie barbare et ces teintes de rouges qui noient Lyz et Fred dès qu’ils partagent une scène dans le reste du film.
La réalisatrice se nourrit de son histoire personnelle mais évite le piège du film « inspiré de faits réels » ou l’écho appuyé à l’actualité récente – souvent bien plus sombre. Slalom se fait plutôt éclairage sur une vérité générale, une grande fiction sur de nombreuses réalités. Il manque sans doute au film la verbalisation des mots « agression » et « viol », mais peut-être qu’un seul regard, celui de sa grande actrice, peut tout dire.
Augustin Pietron (Oggy)