THE END OF THE F***ING WORLD – LE PÉRIL JEUNE [CRITIQUE]

Véritable réécriture de Bonnie & Clyde et La Fureur de vivre, cette nouvelle pépite issue des usines Netflix offre un road trip décomplexé soucieux de son accent romantique. Un trip teen qui opère à merveille. 

On connaissait les rewritings de la pop culture des années 80′ avec la série Stranger Things, et il se pourrait que la machine Netflix ait renoué avec cette nostalgie du cool pour sa nouvelle série teen The End of the F***ing World – sauf que cette fois-ci, le trip est transféré en Angleterre. Le pitch est simple : un garçon psychopathe (James) et une fille ultra-sociable adepte de l’humour noir (Alyssa) de 17 ans emmerdent leur monde respectif et partent ensemble en road trip dans le but de retrouver le père de la seconde. Le souci, c’est que le premier veut la tuer ; parce que c’est un psychopathe. Si l’introduction de la série laisse à désirer compte tenu d’un premier épisode beaucoup trop expéditif, cette aventure prend une ampleur assez inattendue au fur et à mesure qu’elle avance et accouche non seulement d’une reconquête d’un fantasme libertin et naturaliste (La Fureur de vivreLa Balade sauvageEasy Rider et son slogan « born to be wild » sont les premiers souvenirs qui rejaillissent) et d’un romantisme à toute épreuve.

Un geste décomplexé

Le couteau de chasse d’anniversaire remplace le flingue à la ceinture, les symboles mécaniques à deux ou quatre roues laissent place à des voitures brûlées ou en panne ; et surtout, nos deux héros sont des adolescents. La réécriture n’est finalement que le fait de deux êtres d’abord perdus dans leur quotidien familial et qui se retrouvent dans leur quête conjointe d’une maturité, à l’aube de la majorité. Le psychopathe se transforme en romantique, tandis qu’Alyssa ronge son exubérance au profit du bel âge qui s’offre à elle. Et leur recherche d’eux-mêmes est en parfait contraste avec leurs différentes rencontres et péripéties : un pédophile, un tueur d’enfants, une gérante autoritaire d’une station-service et, pour conclure en beauté, un père de famille hypocrite qui, en plus d’être absent pour de vrai, donne des signes de présence bien trop orgueilleux pour le prendre au sérieux. The End of the F***ing World navigue toujours entre la quête du duo d’une espérance nouvelle et le reflet d’une humanité prisonnière de ses vices.

Ainsi l’élan teen est une pure jouissance : répliques qui fusent, dégaines géniales des interprètes, et une relation en montagnes russes (on s’embrasse, on se fait la gueule, on se sépare, on s’embrasse…). On respire avec eux. Et dans tout ça, les parents sont ignorants, un peu bêtes : le mépris se pose là. Dans cette décomplexion naît quelque chose de l’ordre du romantisme et de la variation. La série offre un vrai regard sur le passage à la majorité, parce que justement il est bousculé de toute part. Cette figure du bad-teenage qui se greffe aux personnages font d’eux des êtres sensibles à ce qui les entoure : ça les rapproche par amour (et les sépare parfois) et les lie davantage dans les dilemmes qui se présentent face à eux – ce sont de véritables héros de l’adolescence. Les apprentis romantiques (c’est pour ça que c’est mignon) se présentent toujours dans une instabilité qui se ressent également sur la conception de la mise en scène, très impulsive, et l’étalonnage – la variation des couleurs offerte par les images imprègne la rétine. Toujours dans cette alternative, la question du genre, prédominante pour concevoir cette série : elle touche à la fois au western, au road movie, à la comédie dramatique, au film policier…

Et quoi de mieux que des épisodes d’une durée jamais supérieure à 25 minutes pour profiter d’un tel concept ? L’intensité de la série est variable (pas inégale), façonne ses personnages et leur vision d’un amour qui les mènera vers un je ne sais où purement jouissif quand on est dans le registre d’une série télé. Le charme opère : cette série est une réjouissance sur à peu près tous les plans. Ce duo de jeunes ados conditionnés à prendre leur revanche sur la vie et ses alentours est non seulement une imitation burlesque (parce que c’est british) des grandes figures rebelles que l’art a pu nous offrir, mais aussi des joyaux d’un nouveau monde : celui voué à la destruction des mœurs et qui appartient au temps de la fureur et du péril jeune.