Nous nous étions retrouvés dans un parc de Westworld en plein soulèvement des hôtes contre les humains. La suite promet davantage de mystères grâce à la remise en question de la liberté de chacun.
Cet article contient des révélations sur le contenu général de la saga « Westworld ».
Le bain de sang filmé dans le premier épisode de cette deuxième version tendait non seulement vers une sérieuse impression de renversement des rapports de force entre robots et humains, avec une Dolores plus métamorphosée que jamais enchaînant les punchlines, et faisait aussi la promesse de nouveaux arcs narratifs qui devraient une nouvelle fois tourmenter les fans les plus ardu-e-s de la saga. Et grâce à la masse de mystères qui découle de ce second épisode – intitulé Reunion -, Jonathan Nolan et Lisa Joy prolongent le geste en multipliant les temporalités et les révélations avec une facilité qui fascine autant qu’elle frustre. Alors la sensation de visionnage frôle le malaise, comme un trop-plein : c’est difficile à ingurgiter. Mais l’empreinte de Westworld est aussi d’accomplir plusieurs destinées dans l’angle commun à tous, et propice à cette saison 2, d’une forme de révolution/critique contre le pouvoir en place : et il faut croire que cette révolution se joue sur à peu près tous les tableaux. Si la première saison y sondait les prémisses, la suite en montre les répercussions ; avec la même patiente et la même volonté d’en proposer toujours plus. Mieux que ça, cette nouvelle saison, avec cet épisode 2, montre qu’elle veut aller plus loin.
Nouveaux mondes
Mais aller plus loin ne vaut pas forcément dire se déshériter de la première saison. Cet épisode enchaîne les scènes et explore plusieurs temporalités avec la même fulgurance que la première version – avec un seul handicap : il n’y a plus vraiment l’effet de surprise. Ce serait sous-estimer Westworld, car nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Et les images montrées dans ce second épisode le confirment, comme en témoignent ces exhibitions des hôtes dans le monde réel, celui des humains. On y voit effectivement Dolores explorer notre monde – ces buildings et intérieurs futuristes qu’elle considère comme une « splendeur » – non seulement aux côtés d’Arnorld, décidément assez présent dans cette saison 2, mais aussi lors d’une fête célébrant l’acquisition du parc par William – celui dont elle est tombée amoureux dans la saison 1 et donc de retour ici. Deux passages dans notre monde qui, on l’imagine, se passe à deux moments assez éloignés dans le temps et qui nous fascinent déjà par cette exposition des androïdes servant surtout à faire le promotion du parc et de ses hôtes robotiques, comme lors de cette scène où Freddie, de retour également et beau-frère de William, se retrouve encerclé sans s’en rendre compte par ces derniers. Pris de cours, il développe une soudaine fascination pour ce mélange entre robots et humains promis par le parc. Fascination qui, on le sait, le courra à sa perte – on le voit également en état d’ébriété lors de la fête pour William.
Fascinant aussi parce que la découverte des humains d’un nouveau monde (le parc) dans la saison 1 se transpose ici par la découverte d’un nouveau monde (le monde réel) pour les robots. Parallélisme saisissant tandis qu’il nous rappelle à quel point Westworld a réussi à proposer des robots dont la part d’humanité arrive à questionner les réalités. Cette forme de parallélisme résulte aussi d’une nouvelle alliance entre l’Homme en Noir et Lawrence/El Lazo (comme dans la saison 1). Les intentions de la saison 1 (prémisses de révolte) et de la saison 2 (accomplissement) se réunissent même lors d’un cours instant lorsque la toute première réunion entre Maeve, accompagnée de Hector, et Dolores se déroule dans le parc. Une rencontre tant attendue qui, elle aussi, nous fait poser des questions sur le rapport de force entre deux des personnages phares de la saga de HBO.
Ô liberté !
Alliées ou ennemies ? Cette scène cruciale de la rencontre entre Dolores et Maeve nous oblige à poser cette question. Mais pour rester prudent, disons qu’il est difficile d’y répondre. Pourtant, leurs visions de la liberté des hôtes dans le parc sont bien différentes : tandis que Dolores pense que les dieux humains méritent le même châtiment que les hôtes par pur instinct de vengeance (ma liberté commence quand celle des autres s’arrête), Maeve refuse de voir sa liberté dictée par un péché (la vengeance) propre aux humains. Cette saison 2 devrait donc tourner autour de cette question de la liberté de l’intelligence artificielle face à la domination humaine, sujet déjà abordé dans la première version grâce au personnage d’Arnold qui croyait au développement d’une âme artificielle au sein du parc. Ici, même sujet (et donc parallélisme) mais abordé par les principaux et principales concerné-e-s : les hôtes. De quoi faire fleurir le potentiel philosophique de cette série et certains caractères bien connus de la saga, comme Teddy qui, sur les ordres de Dolores, se force à regarder son passé de loser magnifique mourant à chaque scénario qui lui était greffé pendant que le parc prospérait. Une révélation terrifiante. « Te sens-tu libre ? », lui demande Maeve. La question reste donc d’actualité.
Si l’on devrait mieux comprendre la relation entre Maeve et Dolores par la suite, le rôle de William et ses ambitions pour le parc restent quant à elles assez floues. Accompagné de son beau-père (et donc paternel de Freddie) au sein du parc tandis que Dolores et consort sont figé-e-s sur eux-mêmes, il discute de sa réappropriation du parc et sa façon de le voir suite à son expérience tourmentée dans la première version : « c’est le seul endroit au monde où on peut voir les gens tels qu’ils sont ». La question de la liberté rythme là encore la conversation entre les deux hommes (« ici les gens sont libres »). Mais nous savons depuis l’épisode précédent que DELOS, l’entreprise que William va hériter de son beau-père, collecte des données issues des désirs des visiteurs. Ainsi, donner la possibilité aux gens de se découvrir eux-mêmes serait permis par la fabrication d’hôtes qui satisferont au maximum leurs besoins et leurs désirs : une sorte de violation de personnalité au service de la rentabilité du parc – ce qui nous fait penser récemment au scandale de Cambridge Analytica accusant Facebook d’avoir utilisé les données privées des utilisateurs pour des fins présidentielles. Est-ce que DELOS est une sorte de conglomérat agissant dans l’illégalité ? Le but du parc est-il de profiter des visiteurs pour prospérer ? Tout peut changer avec Westworld, mais cela confirme que William, après son passage dans le parc, a bien changé de caractère…
Soyons sincères : après une introduction réussie permettant de mieux analyser les répercussions de la révolte des hôtes, cet épisode 2 impulse réellement cette nouvelle saison à la fois sur la plan scénaristique, mais aussi philosophique. Même quand Lawrence rencontre l’ancienne version de son alter-ego (El Lazo), interprété ici par Giancarlo Esposito, le Gus Fring de Breaking Bad ! – ou lorsque l’Homme en Noir promet que cet endroit va finir en cendre, on est en droit de se demander si la conclusion de cette saison 2 s’apprête à être aussi féroce que la première. De quoi se creuser encore un peu plus les méninges en attendant d’autres révélations de ce type dans les prochains épisodes…