Sans ambitions, Tito et les oiseaux peine à convaincre, mais devrait figurer au palmarès. Nous oublierons sa morale facile et préférerons retenir son aventure gorgée de rebondissements et son point de vue sur l’enfance.
A peine au début de la compétition, nous tenons probablement ici un sérieux prétendant au Cristal du meilleur long-métrage ici à Annecy, et on ne va pas bouder notre plaisir, même si Tito et les oiseaux nous a clairement déçus compte tenu de son potentiel politique et graphique. A l’image de La Nouvelle Cendrillon, le film de Gustavo Steinberg, tout droit venu du Brésil – vaste terre d’animation à laquelle le festival rend hommage cette année –, raconte l’enfance torturée de Tito, fils d’un ornithologue inventeur d’une machine capable de parler aux oiseaux et de comprendre leur langage. Sous les yeux de son fils, ce scientifique échoue au premier test de sa machine et prend la fuite. Dix ans plus tard, Tito s’est fait des ami.e.s et vit seul avec sa mère tandis que la société qui les entoure tombe malade, parce qu’elle a peur – vous le sentez venir, le message ? Accompagné de ses oiseaux, Tito reprend donc l’initiative de son père pour trouver un antidote capable d’éteindre l’épidémie et redonner vie au seul monde qu’il a jusque-là connu. Parce que son articulation scientifique, évidente pourtant, manque d’allant, Tito et les oiseaux nous emporte dans un voyage trop lisse et qui progressivement emploie un registre moralisateur aussi abscons que pourvu de facilité.
Un film sans âme ?
Car si le film parle d’une chose et bien d’une seule, c’est bien les sociétés contemporaines gangrenées par les fake news et les faits d’actualités, intimement liées à ces dernières, telles que le terrorisme ou le réchauffement climatique. La place de l’information, sa vérité comme son mensonge, tient une place particulière dans Tito et les oiseaux : le présentateur de télé complètement lunatique et corrompu, la vérité que l’on conte aux enfants et cette quête du geste qui sauve comme symbole de la vérité triomphante. Seulement, on regrettera le parti-pris ultra-manichéen adopter par le film : sans le moindre recul, cette quête du bien se transcrit toujours par la progression de ses défenseurs et rarement par un traitement régressif et ironique de l’antagonisme. Tito serait un héros contemporain seulement s’il avait vraiment quelqu’un contre qui s’affronter. Seulement, il a toutes les armes pour réussir, ce qui rend le film inintéressant, tracé de toutes parts et, pour le coup, facile.
Ce manque flagrant de recul sur les points de passages du scénario, ces petits pas en direction de la science et du contemporain donnent un indice sur la valeur de l’animation. Probablement la plus intéressante depuis le début du festival grâce à des codes couleurs raccords avec une atmosphère crépusculaire et post-apo, elle fait office de toile de fond et (très) rarement l’objet de considération vis-à-vis de ce que l’histoire et ses personnages tentent d’accomplir. Fabriqué comme une toile en mouvement, le film rejoint les arts abstraits notamment par des jeux de perspectives informes. Seulement, le concept que les dessins arrivent à nouer semble désuet et, de manière assez rageuse, perd du sens alors qu’il est censé en provoquer de manière exponentielle (et donc abstraite). On reconnaît bien l’idée de la société en manque de souffle et perdue dans cette peur du quotidien que les shows et le manque d’éducation pourvoient, mais son incarnation semble bien trop reléguée au second plan. Malgré l’aventure offerte au spectateur et les quelques rebondissements de celle-ci, Tito et les oiseaux n’a pas cette aura politique et contemporaine que La Nouvelle Cendrillon, à titre d’exemple, offrait à la ville de Naples.
Sans réels coups d’éclats malgré quelques promesses visuelles, Tito et les oiseaux devrait malgré tout conquérir le public sans pour autant entraîner une vague d’enthousiasme compte tenu des facilités scénaristiques qui plombent son aura politique. Autrement dit : l’aventure, ce n’est pas quand ça nous arrange.