Avengers : Endgame – Le temps retrouvé [CRITIQUE]

Enfin. Avengers : Endgame arrive dans nos salles et met un terme à plus de onze ans de film centrés sur les super-héros de Marvel. Un bijou de divertissement doublé d’un optimisme très profond sur l’héroïsme et ses répercussions. 

Cet article ne contient pas de révélations sur l’intrigue, mais sur la structure de celle-ci. 

Il fallait bien que ça se finisse, mais pour cela il fallait bien que le film commence aussi. Avengers Endgame, en plus de mettre fin à plus de dix ans de films Marvel, est aussi une belle promesse destinée à ses héros, une promesse selon laquelle ils pourraient libérer leur héroïsme, et commencer à enfin vivre leur propre vie. Infinity War, dans sa toute fin, offrait déjà une esquisse inversée de ce mouvement par l’intermédiaire de Thanos : mettre fin à l’ère d’une civilisation en la réduisant (de moitié) en cendres dans l’espoir, fou, d’un nouveau départ. Les Avengers ont bien perdu à la fin de Infinity War, mais ont toujours envie de gagner. Commence alors ce Endgame. Ainsi, s’il y a bien une chose qui fait rejoindre les deux films, bien distincts dans leur structure et leur motivation, c’est l’héroïsme : sa perte, sa survie, comme son commencement au même titre que son exaltation, en plus du fait que nous ne douterons jamais de sa disparition. Fabricant d’images inépuisables depuis la naissance des diffuseurs de masse, le Marvel Cinematic Universe, en fait, se conclue avec ce qu’il avait commencé. Il rend aux images et leurs doubles ce qui leur appartient : la (re)naissance de l’héroïsme, oui, bien sûr, mais aussi une certaine idée de l’entertainment, à savoir le retour de l’interprète roi, du style et de la synchronicité avec ce crowd de spectateurs, fans ou amateurs, bercé par les images.

Idoles

Les héros, tristes ou dépassés par les événements, voient donc l’opportunité d’une seconde chance dont la tension dépasse toute considération sur le scénario, finalement assez anecdotique quand on se concentre vraiment sur ce qui est en jeu. Nous ne dirons donc pas qu’il s’agit d’une seconde chance : nous connaissons ces héros et leur potentiel ; leur héroïsme à fortiori. Le véritable enjeu qui réside ici est : quel(s) héroïsme(s)s voulons-nous ? Il suffit de voir le traitement du trident Iron Man, Captain America et Thor pour comprendre que la force du héros réside dans sa focalisation sur ses pouvoirs, de leur prise de connaissance jusqu’à l’épuisement en passant par leur maîtrise. La force de ce Endgame est d’exploiter la quintessence d’une conception personnelle et intime de l’héroïsme, et dans cette mesure faire du collectif un rituel de passage, voire de reconversion dans certains cas. Et plus fort encore que de constituer une équipe dans le Avengers de Joss Whedon en 2012, il s’agit ici de rassembler, refonder, recommencer. Tous unis dans le drame, il y a comme un magnétisme dans cette reprise, littéralement très nostalgique, du rituel de l’héroïsme collectif. Cela va au-delà donc d’une seconde chance et même de la revanche – cette thèse balayée en une seule scène dès le début du film. C’est un Avengers en mode replay – c’est ce qui crée l’enthousiasme – sans lui ressembler – ce qui fait sa beauté.

Comme c’est une question d’images, celles qui survivent et recommencent, Endgame en tire une certaine litanie, en trois parties. Une première qui consiste à sonder les traumatismes de ses personnages, bouclée avec une patiente rarissime (sans toutefois faire abstraction à la pulsion), à la hauteur du choc post-The Dark Knight qui ouvre son volet suivant, Rises (2012) – où il est question, là aussi, de recommencer à devenir un héros. Une deuxième très attendue et peu surprenante, qui échappe tout de même à cette pervertisation du fan-service et d’un enchaînement de scènes et d’images type « best-of ». Et enfin, une troisième – qu’on refuse de dévoiler dans le détail, car tout simplement exceptionnelle – où enfin le Marvel Cinematic Universe incarne ce fameux compromis, tant recherché dans Civil War par exemple, de l’émotion au profit de l’action, et vice-versa. Comme on décline l’héroïsme pour mieux le définir, Endgame décline son récit non pas à travers des actes de scénario (assez pesant, rappelons-le), mais à travers différents régimes d’image, du double jusqu’à la répétition – recommencer, encore –, dont la rime qui les rassemble serait donc le crépuscules des héros.

Après avoir péri, avant de renaître ; après la fin, avant le commencement, quelle conclusion véritable tire ce Endgame sur le mode de l’héroïsme ? Peut-être qu’il est intemporel, en fin de compte. « La fin fait partie du voyage », probablement pour le destin de certains. Mais ce qui compte, au fond, c’est l’empreinte indélébile que ce même destin a laissé à travers le temps. Cet ultime volet de la première phase du MCU est épique autant par sa capacité irréprochable de satisfaire les attentes autour de lui – c’est notre cas – que par sa générosité intrinsèque au pacte qu’il s’était fixé avec le spectateur depuis le début : l’héroïsme, qu’il soit perdu, retrouvé, en péril, même mort, est cette aspiration intouchable et nébuleuse des images telles qu’elles nous ont été montrées depuis Iron Man en 2008, et telles qu’elles le seront jusqu’à ce « on-ne-sait-quand » assez jubilatoire dès qu’on émet l’hypothèse de remettre le pied dans une salle de cinéma, pour voir un Marvel. Ne serait-ce que pour recommencer.