« J’crois qu’y a XEU le deeeux! », dernière tirade propagandiste après une stratégie de com’ en bêton armée. Vald débarque avec le très attendu XEU, un album qui fait passer le rappeur d’Aulnay au niveau supérieur. Jeune artiste, grand talent.
Le 20 janvier 2017 sortait Agartha, premier album studio de Vald. De l’expérimentation vocale, beaucoup de bangers et une plus-value énorme en concert. V.A.L.D explose sur scène, mais pas le temps de niaiser: après une tournée qui s’achève en novembre dernier, il enchaine sur le teasing de son prochain projet, XEU. On connaît l’amour que porte le jeune Valentin pour Internet. Il en maîtrise d’ailleurs tous les codes, tous les usages, ce qu’il lui permet de rebondir à chaque instant pour nous troller davantage. Et le pire c’est qu’on en redemande!
C’est alors que quelques jours avant la sortie officielle de son deuxième album, Vald balance un leak que ses fans baptiseront NQNT 3. Quatorze sons non masterisés qui sont en réalité des démos qu’il a enregistré seul dans sans chambre. Des morceaux qu’il qualifie d’ailleurs d’ « intimes », sans réel trucage vocal et avec une sorte de spontanéité lyricale. Les excellents Sombre soirée, Foie gras, Jean Teh ou encore Pentacle et bougie en témoigne. Ne cachons pas la volonté stratégique d’inonder les plateformes de streaming afin que son blaze soit partout, avant d’arriver avec un projet officiel. Encore l’exemple d’un très bon coup de promo’ et de générosité, dont Vald est l’architecte.
Dernier élément promotionnel: la cover. Après un teasing massif sur ses réseaux sociaux, à coup de fan art tous aussi originaux les uns que les autres, Vald choisit le fond blanc, vierge de toute image. On a trouvé notre Kanye West français! On vous passera la description symbolique des couleurs et les multiples interprétations de XEU. À part peut-être celle d’Alkpote: « Pour moi, c’est une croix sur l’Europe ». Il fallait y penser…
Tout le monde demandait un « classique », un projet avec davantage de maitrise. Les singles Trophée et Désaccordé mettent l’eau à la bouche. Un couplet sombre et introspectif d’un côté, un son mélodieux de l’autre qui fait fortement penser aux derniers morceaux autotunés de Booba. Avec Seezy comme beatmaker attitré, on pouvait s’attendre à un projet plus homogène et moins « tous azimuts » qu’Agartha. Et c’est chose faite.
L’album s’ouvre d’ailleurs par un morceau poids lourd. Primitif est un sans faute: une structure de rimes incroyable, un flow et une technique sans fausse note, un juste regard porté sur les humains en société. Vald et Seezy nous font rentrer de plein pied dans l’album en l’espace de trois minutes. Pas de répit avec Seum, un titre tout droit sorti des enfers et qui rappelle beaucoup l’univers du Patapouf Gang et son pote Biffty. Des variations dans le vocal que l’on retrouve dans le titre egotrip DQTP et ses dédicaces plus au moins flatteuse au game français. Contre-pied musical avec Possédé, notre deuxième coup de cœur où Vald vante son rapport aux drogues avec la légèreté qu’on lui connaît.
Résidus est un morceau central de l’album où le rappeur fait le point sur son statut d’artiste, son entourage, son succès, tout en dévoilant une sensibilité à fleur de peau. Le type beat de Kodak Black remixé par Ditty Beatz contribue pleinement à l’émotion. Grand titre. Sur Réflexions Basses, le MC joue l’acteur studio en se mettant en scène totalement ivre dans un bar en compagnie de son pote Suikon Blaze AD et de son manager Tunisiano. Un morceau qui rappelle fortement Strip présent sur Agartha.
Côté featuring, c’est également un sans faute. Cela fait un petit bout de temps que Vald vente les talents de rappeur de son ingé’ son Sirius. On en a maintenant la preuve avec Rituel, un banger où les deux artistes découpent littéralement la prod’ de Seezy. Sirius signe également Gris, un autre titre majeur de XEU avec un refrain planant à souhait. On attendait depuis longtemps une nouvelle connexion avec AD et le morceau Offshore est une pure réussite. Enfin, Sofiane épouse l’univers de Vald sur Dragon, référence au titre caché Poisson sur NQNT 2. Un egotrip fait pour la scène afin de célébrer cette connexion du 93!
Le séquençage de XEU apporte fortement à l’homogénéité musicale. Vald alterne entre morceaux sombres et lumineux, afin de toujours donner de l’autodérision et de l’espoir à ses démons les plus noirs. On retrouve bien entendu toute son imagerie « reptilienne » en fil rouge, ce qui est maintenant devenu son fond de commerce. En finissant l’album avec le titre pop Deviens génial, co-produit par Tchami, Valentin extériorise son propos en s’adressant à son fils, le mettant en garde face à ce monde pernicieux tout en l’incitant à le surpasser. Peut-être la meilleure traduction symbolique de la cover: voir la lumière au bout du tunnel.
XEU confirme la richesse de l’univers de son auteur, de son écriture et de sa singularité musicale. Un album aux multiples références et multiples lectures. Le parfait prolongement d’Agartha, plus sage, plus brut. Vald est définitivement « dans cette p*te ».